[Chasses nocturnes] [M] Chasses Nocturnes

« La police ? Ça se voit bien que tu ne connais pas ce quartier. » Dit-il en riant.

« J’aime les gens de la « surface » et leur naïveté. Même si elle n’était pas occupée avec tous ses meurtres, comme tu dis, je doute qu’elle puisse faire quelque chose ici. D’ailleurs, elle ne doit pas être au courant des trois quart des crimes qui ont lieu dans les bas quartiers. Je pense que nos chers représentants de la loi n’osent pas trop mettre leur nez dans ces affaires-là. Certainement par manque de courage~ » Lança-t-il en faisant semblant de ne toujours pas connaître le véritable métier de son interlocuteur.

« Ils ne s’intéressent aux meurtres d’ici que quand ça commence à faire vraiment trop de bruit et inquiète les honnêtes citoyens~. Comme cette affaire de prostituées retrouvées mutilés. Tu as certainement lu les journaux ces derniers temps. Ça commence à devenir gênant. Pas qu’ils s’inquiètent pour ces pauvres femmes, non. Mais tout le monde sait très bien que des hommes placés fréquentent ces filles de joie, ou même de simple citoyen. Ils ne doivent pas avoir envie qu’un des clients se fassent tailladés~ » Ajouta-t-il en insistant sur sa dernière phrase, lourde de sous-entendu.

Lewis espérait avoir réussi à attiser la curiosité de James. Malgré ce qu’il venait de dire sur la police, il avait bien besoin qu’un contact parmi les représentants de l’ordre. Il se releva et ferma sa sacoche de médecin après avoir tout rangé devant.

« Promis~ je ne t’attirerais pas d’ennui. A cette heure-là, c’est relativement calme dehors. Mais il faut rester sur ses gardes~. »

Il se dirigea vers la porte et l’ouvrir.

« Ça va aller, ou tu veux t’appuyer sur moi pour marche ? »

La réaction de James amusa le jeune homme. Il était certain qu’il n’allait pas rester de marbre devant de telles attaques sur le métier qu’il devait vraiment aimer. Pour descendre ici et prendre autant de risque, c’était même sûr qu’il affectionnait sa fonction d’inspecteur. Allait-il réussir à ne pas se vendre si Lewis continuait de le provoquer ? Il voulait voir si c’était un bon policier, et s’il n’allait pas trop révéler sa couverture. Il avait tout intérêt à le tester pour savoir s’il pourrait collaborer avec lui. Un policier qui se vend la mèche à la moindre occasion ne lui serait d’aucune utilité. Mais cela promettait d’être divertissant.

« En vouloir à la police ? Non pas vraiment. Mais les bas quartiers répondent à d’autres lois. Comme je te l’ai dit plutôt, les gens se font justice tout seul ici. Tu ignores sans doute bon nombre d’affaires qu’il y a eu. En revanche, pour quelqu’un comme moi qui vis ici, je connais tout dans les moindres détails. Les gens entre eux ne parlent que de ça, bien souvent. Et puis ma fonction de médecin me permet d’être au courant de pas mal de chose. Mais ils n’ouvriront jamais la bouche devant un inconnu. Non, je n’en veux pas à la police. Du moment qu’elle me laisse tranquille et exercer comme je veux. » Lança-t-il pour plaisanter.

« Elle fait son travail en surface. Mais elle est naïve pour ce qui concerne le bas. Bien que je pense qu’elle doit se douter de quelque chose mais fait semblant d’ignorer. Qui s’intéresse aux pauvres qui souffrent et agonissent ? Mettre le nez dans cette misère risque d’incommoder le bon petit peuple. Le jour où on verra une descente de police ici n’est pas encore arrivé. On peut dormir sur nos deux oreilles dans les bas-fonds quand on est un hors la loi. D’ailleurs, je suis persuadé que beaucoup de criminels d’affaires non résolues se cachent dans ces rues et attendent que ça se calme dans les quartiers plus respectables. » Continua-t-il.

« Je vois ça~. Tu gambade comme un petit cabri. » Se moqua-t-il gentiment. Visiblement, son interlocuteur n’avait pas besoin d’aider pour marcher, même si la douleur devait se faire sentir. Dommage, il n’aurait pas le plaisir de pouvoir avoir le jeune homme s’appuyer contre lui.

« William, je rentre en premier. On se voit tout à l’heure. » Dit-il en faisant un signe de la main au barman, sans se retourner.

« La prochaine fois que vous venez, je vous offre un verre en dédommagement pour tout ce que cet idiot à fait. » Lança en souriant William. Enfin, il espérait qu’avec ce que Lewis avait provoqué, cela dissuaderait le jeune homme de remettre les pieds ici. Avoir un inspecteur qui fouinait dans le coin n’était pas quelque chose qu’il voulait vraiment. Et puis, s’il tenait à la vie, il avait tout intérêt à ne plus fréquenter les environs.

Lewis ignora la réplique du propriétaire de bar, et sortit de l’établissement. Dehors, il faisait encore frais. Cette fraîcheur était vraiment agréable pour le jeune homme qui détestait tant la chaleur. Il bénissait la fin de cet été trop long à son goût. Bientôt le froid glacial pointerait le bout de son nez et il allait pouvoir sortir plus longtemps.

« C’est par ici~ » Indiqua-t-il. A cette heure-ci, les rues étaient plutôt dessertes. Seuls quelques ivrognes dormant dans les caniveaux et les vieilles prostituées qui n’avaient pas réussi à trouver des clients traînaient encore dans les ruelles. Il était encore un peu trop tôt pour que les rares qui avaient un travail respectable sortent.

- Que quoi que je dise, vous aurez une réponse. De toute façon, cela ne sert à rien de défendre la police par ici. C’est presque comme une petite ville cachée dans une autre. La plupart des gens d’ici ne doivent même pas avoir d’identité réelle. Comment la police pourrait les surveiller ? Enfin, je suppose, il haussa brièvement les épaules, Je n’ai jamais cherché à en savoir plus. Il se passe déjà assez de choses dans mes quartiers. Ça me suffit amplement.

James essayait de se faire passer pour un bourgeois qui n’avait pas envie de mettre son nez dans les affaires des autres, pourtant ce n'était pas l'envie résoudre toutes les affaires de la ville qui lui manquait. Seulement à lui seul, il ne pourrait pas faire grand-chose. Il avait déjà du mal sur l'affaire en cours alors qu’il avait toute une équipe d’enquêteurs avec lui pour en venir à bout. Tant qu'il n'aurait pas mis la main sur le tueur en série, il ne pourrait pas s'occuper d'une autre affaire. Il n'était pas non plus naïf au point de penser qu'il pourrait sauver tout le monde, il n'était qu'un policier, il était loin d'être un sur homme pouvant combattre le mal à lui seul.

Par contre, son interlocuteur avait raison sur un point. Beaucoup de criminels avaient leur cachette du côté des bas quartiers. C’était souvent pour ça que James venait y faire un tour. Cette fois-ci ne faisait pas exception, il s’était juste mal préparé puisqu’il était venu à l’improviste, incapable d'obéir aux ordres de son chef. Ce dernier essayait toujours de le dissuader, le connaissant assez pour savoir qu'il était le genre à risquer sa vie. Il n'avait pas tord, il suffisait de voir comment James avait failli se faire poignarder par un ivrogne qui l'avait pris pour une demoiselle. Il avait vraiment été imprudent sur ce coup. Il restait plus qu'à espérer que Jared n'allait rien remarquer sinon il allait sûrement trouver un moyen de ligoter le jeune enquêteur un peu trop aventureux pour être certain qu'il ne reviendrait pas. Seulement, James ne comptait pas lâcher l'affaire. Il savait que c'était tout aussi dangereux de venir accompagné, surtout quand on ne connaissait personne dans les environs. Les étrangers ne sont pas toujours bien vu par ici, ce sont même des cibles parfaites pour certains malfrats du coin.  

- Merci, c’est très aimable de votre part.

Il n’avait pas besoin d’en dire plus au barman. Il comptait revenir, seulement il n'était pas certain qu'il repasserait par le bar s'il n'avait pas une bonne raison de le faire. Il n'avait pas très envie de tomber sur un autre client qui allait l'agresser, ça ne lui servait à rien à part perdre du temps. Pourtant cette soirée ne semblait pas être peine perdu, le fameux médecin qui s'était occupé de lui semblait en savoir beaucoup sur ce coin de la ville. Aussi louche soit-il, peut-être pourrait-il lui être utile dans sa quête d'indices ? Au pire, James se disait qu'il ne pourrait pas perdre son temps à le surveiller. Bien sûr, l'enquêteur n'était pas stupide, il savait qu'il ne pouvait pas revenir par ici tant qu'il était blessé, il serait une proie bien trop facile s'il n'avait pas toutes ses forces ou ses réflexes la prochaine fois qu'il passerait par là.

Il réajusta un peu mieux son manteau sur ses épaules, fermant le dernier bouton. Il était tôt vu la fraîcheur et le soleil qui commençait tout juste de se lever. Il avait hâte d’être chez lui pour pouvoir prendre un bon bain chaud et se détendre avant de filer retrouver ses collègues. Il n’était pas vraiment fatigué, juste un peu, mais vu le nombre d’heures de sommeil qui lui manquaient depuis des années ce n’était pas étonnant. Finalement sa blessure l'avait forcé à se reposer, même s'il savait que ce ne serait pas une partie de repos de la cacher aux autres.

- Je vous suis, lança-t-il simplement en emboîtant le pas au médecin. Il n'avait pas d'autre choix pour le moment, il devait lui faire confiance pour ça.

Il l'observait du coin de l'oeil, à la fois intrigué et méfiant. Il ne cessait de se demander si cet homme n'avait pas quelques informations importantes qui pourraient lui être utiles. Le médecin avait quelque chose qui l'attirait. James était juste incapable de savoir si c'était son instinct qui lui criait que quelque chose n'allait pas chez cet homme ou si c'était simplement sa curiosité car il avait envie d'en apprendre plus sur ces quartiers. Il savait qu'il était né du bon côté, que tout ce qui se passait par ici lui échappait et que sans quelqu'un du coin il risquait d'avoir du mal à trouver les informations dont il avait besoin.

- Dites-moi, vous ne travaillez pas la journée ?

Il devait absolument se renseigner un peu plus sur ce fameux Lewis Petrovitch, si c'était vraiment son nom. En attendant d'avoir accès aux archives ou aux dossiers de la police, il allait le questionner sur ses habitudes et son travail. Il ne devait pas paraître trop curieux, ses questions devaient devaient rester neutres pour ne pas éveiller les soupçons de son interlocuteur. Heureusement, le médecin ne devrait pas trouver ça trop étrange que James tente de faire la conversation le temps du trajet, c'était tout à fait humain de ne pas vouloir marcher en silence aux côtés de quelqu'un.

"Tiens, c'est ce que me dit souvent mon frère, et il paraît que c'est un énervant." Dit-il, l'air de rien tout en continuant d'avancer. Vladimir voyait ça comme de la provocation quand Lewis avait toujours réponse à tout. Alors que du point de vue du médecin clandestin ce n'était juste que l'aîné de la famille n'aimait pas qu'on lui tienne tête. A cause de leur deux caractères, leur relation était souvent tendue même s'ils savaient tout les deux, au fond d'eux, que les liens fraternels étaient aussi fort entre eux qu'à tous les autres de leur fratrie. Ils étaient bien trop fiers pour l'avouer trop haut.

La fraîcheur qui ressentait sur sa peau le faisait comme revivre. L’ambiance était quelque peu étouffante dans le bar de William. Trop de fumée, d’odeur d’ivrognes, de puanteur. Il se demandait comment ce dernier pouvait supporter ça aussi bien, et surtout supporter toute cette chaleur humaine sans craquer parfois, surtout quand une bagarre éclatait et que le sang ne se mette à jaillir. William avait toujours eu plus de self contrôle que lui, il est vrai, et d’ailleurs que tous ceux de leur fratrie. Heureusement pour Lewis, il travaillait la plupart du temps dans une petite pièce à côté du bar. Cette nuit, avec les événements, il était resté trop longtemps dans cette ambiance étouffante. C’est pourquoi ce bol d’air, pas tout à fait pur à cause de la pollution des usines, lui faisait du bien. Il avançait d’un pas léger et guilleret dans les rues les plus mal famées de Londres comme un enfant sur le chemin de l’école buissonnière. Il foulait les pavés avec assurance, comme si les rues lui appartenaient. Il les connaissait par cœur et le moindre recoin n’avait plus de secret pour lui. Après tout, cela faisait des années qu’il vivait ici. Pendant toutes ses années, il avait eu le temps exploré tout. Il fallait dire que ses deux petits frères avaient fortement contribué à améliorer sa connaissance de la vie. Courir derrière eux quand ces derniers s’étaient échappés de la maison et avaient décidés de jouer à cache-cache dans les bas-fonds de la ville était un très bonne exercice. Même si à l’époque il les avait maudit de devoir chercher partout et pendant des heures, aujourd’hui il leur en était un peu reconnaissant. Bien sûre, jamais il ne leur dirait à ces deux morveux. D’ailleurs ni même à Vladimir, qui l’obligé à s’occupait de cette tâche en guise de punition. Il avait l’interdiction formelle de revenir à la maison familiale sans eux. Cela pouvait durer des heures, comme des jours.

Il stoppa sa marcha en entendant la question de son compagnon de route. C’était une question plutôt soudaine. S’intéresserait-il à lui ? L’inspecteur voyait-il Lewis comme quelqu’un qui pourrait lui être utile ? Ou est-ce de la simple curiosité ? Il espérait que c’était le premier cas car il lui avait tenu quelques perches en insistant sur le fait qu’il serait un guide d’exception dans les quartiers le plus mal famés. Ainsi, il pourrait lui aussi se servir du jeune homme pour obtenir des informations. Rien de mieux que de fréquenter un inspecteur pour devancer et déjouer les pièges de la police.

« Non, le genre de client que je soigne ne sort pas vraiment en journée. » Dit-il en rigolant. « Notre cabinet est comment dire, spécialisé dans les cas gênants pour des personnes qui veulent rester discrètes. Comme des plaies par balles d’origine louche, des maladies vénériennes touchant des politiciens ou autres personnes importantes à la surface. Ce genre d’activité s’est plutôt à l’abri des regards, la nuit, qu’on l’exerce. Ceux qui veulent juste soigner un rhume vont plutôt voir un honnête médecin dans un quartier plus fréquentable. Ils nous arrivent aussi de soigner d’honnête gens pour de simple maladie. De nos jours, les frais médicaux sont exorbitants et ceux qui vivent ici n’ont pas toujours les moyens. Nous sommes moins chers qu’à la surface~. Les politiciens payent cher pour garder sous silence leurs petits extra conjugaux, ça nous permet de faire un tarif réduit à ceux qui ont en vraiment besoin. Mais tout ce qui est maladies, c’est plutôt mon frère qui s’en occupe. C’est lui le vrai médecin. Moi je suis plutôt le boucher qui s’occupe des opérations~. » Ajouta-t-il avec un large sourire sur les lèvres.

À sa grande surprise, son interlocuteur se stoppa net en entendant sa question. Était-ce si surprenant qu'il prenne le temps de s'interroger sur la personne qui l'accompagnait ? James ne fit pourtant rien d'autre que de s'arrêter à son tour avant de se tourner vers le médecin. Une partie de lui ne pouvait s'empêcher de penser qu'il pourrait gagner un peu de temps comme ça pour essayer de grappiller quelques informations supplémentaires. Oh, il doutait fortement en récupérer suffisamment pour lever les soupçons sur cet homme, il semblait bien trop secret pour se faire avoir si facilement, mais ça ne l'empêcherait pas de l'interroger discrètement.

Le « boucher » ? Ce mot n'avait rien de rassurant, surtout en sachant qu'il venait d'être soigné par ce fameux boucher. Seulement au vu des conditions dans lesquelles il semblait opérer et la clientèle qui se bousculait à sa porte, James ne pouvait pas vraiment être surpris. Par contre, Lewis venait de mentionner son frère, qui était soit-disant le vrai médecin des deux. Avait-il un diplôme ? Pourquoi exerçait-il ici ? Était-ce parce que les riches venaient payer plus cher dans ses quartiers pour conserver leurs vies privées ? Il pouvait aussi avoir envie de venir en aide aux personnes les plus défavorisées, même si ce n'était pas évident d'en vivre. Encore une fois James était la proie de nombreuses questions, auxquelles il ne pourrait pas répondre sans pousser son vis-à-vis à parler.

- Votre frère ? Vous avez une entreprise familiale ensemble ?

Le mot « frère » ne le laissait pas indifférent. Il pensait souvent à son cadet qui ne cessait de le repousser, pensant que James en avait contre lui et son partenaire. Mallory... Encore un homme louche qui semblait cacher bien des choses derrière son petit sourire. Pourtant l'enquêteur voyait bien plus facilement le masque du journaliste que celui du médecin qui l'accompagnait en ce moment même. Il était bien incapable de se dire que Lewis était quelqu'un de vraiment louche, même si son instinct continuait de lui souffler que quelque chose n'allait pas avec cet homme.

Il avait gagné un peu plus d'informations à son sujet, sans vraiment pouvoir cerner qui il était vraiment. Il espérait pouvoir en trouver un peu plus de son côté, même s'il y avait de grandes chances que le médecin ait effacé ses traces pour rester discret et ne pas éveiller les soupçons de la police sur son activité. Il misait un peu plus sur le fameux frère qui aurait pu avoir un diplôme à son nom pour pouvoir exercer.

Toujours arrêté, Lewis regardait son interlocuteur avec un grand sourire. Venait-il enfin de capter l’attention de ce dernier ? Toutes les paroles qu’il avait prononcées avait été parfaitement choisit. Il lui avait révélé tous ces détails dans le but de l’intéressait mais aussi le mettre en confiance. Il savait très bien qu’il devait se montrer assez intéressant pour être utilisé par l’inspecteur. Il devait éveiller sa curiosité pour être sûr qu’il reviendrait vers lui pour glaner quelques informations. Pour l’instant toutes les cartes étaient dans les mains du policier pour provoquer une nouvelle rencontre. Il savait dans quel bar il traînait, les apothicaires avec qui il collaborait, et surtout l’adresse du cabinet de Peter. S’il voulait le revoir, il savait où chercher. Ce n’était pas non plus anodin qu’il lui révèle plus ou moins que ses activités n’étaient pas très légales. Avoir un indic qui trempait dans les affaires louches était souvent un atout pour les policiers. Cela serait donc à James de venir à lui et non l’inverse puisse qu’il dût continue de lui faire croire qu’il avait avalé son mensonge sur son identité. Ça ne serait vraiment pas naturel que Lewis tombe tout à fait par hasard sur James dans cette jungle qu’était Londres.

Cependant, il devait bien réussir son coup pour pas que cela se retourne contre lui. Même si sa famille avait acquis au fil des siècles une certaines puissance grâce aux maisons closes, l’opium entre autres, et ne craignait pas trop la police, ce n’était jamais bon pour le business quand les hommes de loi venaient mettre leur nez dans leurs affaires. Comment feraient-ils pour se nourrir si les gros clients désertaient ?

« Ce n’est pas vraiment une entreprise familiale~. Seul un de mes frères tiens le cabinet avec moi. On ne peut pas dire que les autres soit dans la médecine. » Dit-il en rigolant. « Tiens, regarde par exemple, William, il est barman. Tu n’as pas remarqué un petit air de famille ? Non ? On a pourtant la même couleur de cheveux. Ce n’est pas vraiment une couleur banale. Et c’est 100% naturel !» Ajouta-t-il en prenant une mèche de ses cheveux comme pour appuyer ce qu’il disait.

« On est une grande famille~. On ne peut pas tous exercer le même métier. Et puis, je crois que je ne pourrais pas travailler avec lui. On finirait par s’entre-tuer. » Dit-il pour lui-même d’un air pensif.

Puis, il se remit en route pour mener l’inspecteur à l’extérieur des bas quartiers, là où il serait plus en sécurité. En chemin, il salua deux, trois passants et échangea quelques mots avec la boulangère qui venait tout juste d’ouvrir sa boutique. Celle-ci lui offrit un pain tout pour encore le remercier d’avoir soigné sa petite-fille alors qu’elle n’avait pas assez d’argent.

« On y arrive bientôt~ »

Toujours un sourire aux lèvres, il réfléchit, ses doigts manquant de venir se serrer autour de sa cuisse. La douleur est toujours là, comme profondément ancrée dans sa chaire. Si le médecin l'a soigné, James sait qu'il n'a pas osé avaler les anti-douleurs qui auraient pu atténuer sa peine. Il s'était dit qu'avec sa chance il risquait de se faire droguer, ou pire. La confiance n'était pas toujours installée, même si sa curiosité ne cessait d'être titillée par les paroles de son interlocuteur. Cet homme pourrait lui être utile s'il faisait bien attention, s'il ne lui laissait pas une chance de savoir où il bossait. Il devait continuer d'être prudent.

Si l'enquêteur était déjà venu dans ces ruelles pour une autre enquête, il sentait bien que cette fois la situation le dépassait. Le meurtrier s'attaquait à des jeunes femmes du coin, il n'y avait aucun doute qu'il devait connaître les environs, bien mieux que James qui s'était fait avoir en beauté hier soir. Il ne s'était pas préparé comme il le fallait, il allait assez le regretter ces prochains jours au vu de sa blessure, alors avoir un "allié" dans ces quartiers ne pourraient que faciliter son accès aux informations, aux lieux.

- Maintenant que vous le dites, on voit une légère ressemblance.

Encore un frère. William. La couleur de leurs cheveux étaient en effet très proches et peu communes, pourtant physiquement, James n'aurait jamais juré qu'ils étaient frères. Sa ressemblance avec son frère était bien plus frappante, rares étaient ceux qui ne la voyaient pas, surtout lorsqu'ils étaient côte à côté. Seulement ce qui l'intéressait vraiment dans cette histoire c'était le nom du barman. S'il devait se renseigner sur Lewis, il devait aussi étudier sa famille et ses fréquentations. La moindre information pourrait avoir de la valeur pour comprendre à qui il avait à faire.

- Vraiment ?, Souffla-t-il finalement peu surpris en se rappelant l'échange de ce matin entre les deux frères, C'est vrai qu'il n'est pas rare de voir des frères et soeurs se prendre la tête.

De son côté, sa relation avec Nils était plutôt bonne, même si son frère avait tendance à s'énerver de plus en plus en voyant James refuser d'accepter Mallory. Cette histoire commençait à devenir compliquée et l'enquêteur laissait bien souvent couler les choses, du moins tant que son cadet n'en souffrait pas. Il restait sur ses gardes pour éviter que le journaliste ne l'utilise et le détruise sans l'ombre d'un remord. Avec Violet, les relations étaient tout aussi cordiales, mais bien moins proches. Elle avait fait sa vie depuis longtemps, laissant James s'occuper du plus jeune. C'était sûrement pour cette raison qu'il était plus proche de son frère que de sa soeur.

La discussion semblait être terminée. Ils reprirent leur marche, croisant quelques personnes que Lewis connaissait. James suivait discrètement les échanges, comprenant que le médecin avait une réputation plutôt bonne de ce côté de la ville. Ce n'était pas vraiment surprenant, surtout s'il en venait en aide aux personnes sans attendre un paiement en retour.

- Bien, Dit-il assez ravi de se rapprocher des quartiers qu'il connaissait. Il voyait les rayons du soleil se lever de plus en plus, le temps ne traînait pas. Il allait devoir se presser s'il voulait faire sa toilette avant de devoir rejoindre ses collègues pour la réunion du jour. Il n'aurait rien à apporter de plus à l'enquête, mais peut-être que ses collègues auraient pensé à quelque chose durant la nuit. Il en doutait fort, contrairement à lui ils avaient une vie en dehors, une femme, des enfants. James était seul, presque marié à son travail.

Silencieusement, ils marchèrent encore quelques mètres, jusqu’à un croisement. Depuis quelques minutes, les rues devaient de moins en moins sales et mieux éclairées mais ce carrefour marquait clairement la limite entre les quartiers peu fréquentable et ceux ordinaires, sans pour autant être huppés. On avait l’impression de passer une porte qui menait vers un autre monde. Comme si ce carrefour symbolisait l’entrée en Enfers.
Le soleil était maintenant levé et les rues devaient de plus en plus animés. Tandis que les habitants des bas quartiers allaient se coucher, ceux des autres quartiers partaient travailler. C’était un des rares moments où ils se croisaient. Un peu au loin, on commençait déjà à entendre les vendeurs de journaux crier les gros titres pour appâter les badauds.

« Nouvelle toute fraîche ! Selon de source sûre, aucune victime n’a été retrouvée ce soir. Mais l’éventreur court toujours. » Brailla un jeune homme aux cheveux roux surexcité.

« Ah la la~ que fait donc la police à laisser courir ce dangereux criminel. Bah au moins, il semblerait que ce cher Éventreur se soit tenu tranquille ce soir. Peut-être a-t-il trouvé quelque chose de plus intéressant pour se divertir. » Commenta Lewis avec un étrange sourire sur les lèvres qui lui donnait un air encore plus louche. Déjà qu’il n’était pas le genre de personne à qui on donnerait le bon Dieu sans confession et il le savait très bien. D’ailleurs, il aimait en jouer.

« Eh bien~ Jack Green. C’est ici que nos chemins se séparent. A partir d’ici je pense que tu retrouveras ton chemin tout seul. Ravi d’avoir fait ta connaissance. Sois plus prudent la prochaine fois que tu viens en excursion ici. Tu n’auras pas toujours de la chance. On ne sait vraiment pas sur qui on peut tomber ici~. » Ajouta-t-il avant de se mettre en route pour rentrer chez lui.

« A une prochaine. » Lança-t-il quelques mètres plus loin en agitant la main, mais sans se retourner.

Au fur et à mesure qu’il s’éloignait, son sourire s’agrandissait.

« Inspecteur James Grant. Vous êtes un sacré menteur. Mais à ce petit jeu vous ne m’aurez pas. Je suis un maitre dans la matière. J’ai hâte de voir si vous saurez desseller mes secrets~. » Dit-il à voix baisse pour lui-même, maintenant qu’il était loin du jeune homme. Il avait l’intuition qu’il serait amené à se revoir. Et il ne se trompait jamais. Il avait certainement réussi à éveiller assez sa curiosité. Il ne s’attendait pas à ce que l’inspecteur lui propose un rendez-vous pour se revoir, bien que cela lui aurait simplifié la tâche, mais il sentait qu’il reviendrait. Il devait juste se montrer patient. Et puis, pour l’instant, la police n’avait pas l’air d’avoir de solides indices s’ils venaient fouiner incognito par ici.

La voix du vendeur de journaux apportait au moins une bonne nouvelle après cette soirée, aucune victime ne s'était ajoutée à la liste déjà bien trop longue au goût de l'enquêteur. James savait qu'il ne pourrait pas se reposer sur ses lauriers, le tueur était toujours libre et prêt à s'attaquer à la prochaine jeune fille qui arriverait à attirer son attention. Il ne pouvait pas les choisir au hasard, les meurtres étaient trop soignés pour laisser des indices à la police. Seulement au rythme où ils avançaient sur les traces de l'éventreur, James sentait que les corps allaient continuer de tomber entre leurs mains. Comment pouvait-il faire pour arrêter de tourner en rond ? Devait-il vraiment retourner dans ces quartiers malfamés pour espérer trouver une piste viable ? Il n'était pas en état d'affronter ce coin de la ville vu sa blessure. Malheureusement, le temps était précieux et chaque seconde était importante pour faire progresser l’enquête.

- Qui sait, Souffla le jeune enquêteur, curieux d'en savoir plus sur le monstre qu'il traquait. S'il pouvait comprendre pourquoi il faisait ça. Dans quel but ? Il pourrait peut-être avancer un peu plus. Là, il n'avait rien sur le tueur. Seulement, il n'était pas question de lancer la discussion avec le médecin, il était préférable de fuir le sujet et de passer pour un simple citoyen. James préférait donner l'impression d'être un citoyen qui a conscience de l'horreur qui sévit dans les rues de sa ville, mais qui préfère taire le sujet de peur de voir le meurtrier s'en prendre à lui. C'était peu probable, le meurtrier semblait s'en prendre aux jeunes femmes, mais n'avait-il pas été confondu par cet ivrogne qui pensait l'entraîner dans une allée sombre et crade ?

James avait quand même noté dans un coin de sa tête les paroles de son interlocuteur. Ce dernier était toujours plus suspect, comme s'il essayait d'attirer l'attention de l'enquêteur. C'était presque compliqué de lutter contre l'envie de le questionner, d'en savoir plus sur ce qui se cache derrière chacune de ses réponses. Seulement ce n'était ni le moment ni l'heure pour avoir une telle conversation. James était épuisé, la douleur continuait de le tirailler, il devait absolument se reposer. Il ne pouvait pas continuer de foncer tête baissée, il était primordiale de faire une pause, le temps de prendre du recul et de mieux penser aux futurs échanges. C'était obligé qu'il revienne un jour, quand il aurait récupéré des forces, il était bien trop intrigué par ce médecin.

- Ne vous en faites pas, je pense avoir appris ma leçon cette nuit, Un fin sourire se dessine sur ses lèvres tandis qu'il croise une dernière fois le regard de son interlocuteur, Mais je vous remercie pour m'avoir raccompagné.

Son regard suivit la silhouette de l'homme qui s'éloignait. Il pourrait dire ce qu'il voulait, James savait qu'il ne pourrait pas résister à la tentation de revenir. Il se passait des choses de ce côté de la ville et il devait découvrir quoi. Son esprit n'était pas le genre à oublier comme ça, à passer à autre chose. Il n'avait finalement pas d'autre vie que celle qu'il vivait en travaillant. Pas de petite famille avec qui passer du temps. Il avait même fini par abandonner ses plantes, les confiant aux bons soins de sa soeur.

Lorsque son regard perdit de vue le médecin, James se dirigea vers le marchand de journaux pour lui acheter l'édition du jour. Il le remercia avant de prendre la route de son appartement. Il n'avait pas le sentiment d'être suivi ou surveillé, mais peut-être est-ce la fatigue qui lui faisait baisser un peu trop sa garde. Malheureusement vu l'heure, l'enquêteur n'aurait pas vraiment le temps de se détendre ou de se reposer. Il ferait le strict minimum niveau toilette pour éviter d'éveiller les soupçons de son supérieur sur son escapades nocturnes. Jared serait capable de lui retirer l'affaire des mains s'il avait vent de cette histoire. James n'abandonnerait jamais, mais il préférait quand même travailler avec ses collègues et en ayant accès aux dossiers de la police, ça facilitait la tâche, même si pour le moment ils n'avançaient pas beaucoup.

Même si le jeune homme lui avait dit qu’il n’était pas fait pour ce genre de quartier, il savait pertinemment qu’il y remettrait un jour les pieds ici. Les policiers venaient rarement sous couverture seul dans ce genre d’endroit. Ils savaient bien qu’un accident était vite arrivé et c’était très facile de faire disparaître un corps. Mais cet endroit avait quelque chose d’étrange et d’envoûtant qui attirait irrésistiblement les gens en manquent de sensations fortes. Quand on y foulait une fois les pavés, on ne pouvait pas s’empêcher de vouloir y retourner, aussi dangereux soit-il. Et puis, pour un inspecteur, ce quartier était quelque chose de bien particulier. C’était l’endroit où grouillait le mal. Ce qui se prenaient pour de grand justicier rêvaient d’avoir un informateur ici pour réussir à éradiquer toute cette criminalité et ce mal. Malheureusement, peu de personne acceptait car ce n’était pas une activité bien vue par ici. Bien souvent, les informateurs disparaissaient très vite de la surface de la terre. Ils avaient la même durée de vie qu’un éphémère. C’était fréquent de les retrouver, quelques jours après leur disparition, flotter sur la Tamise, le corps lacéré.

Oui, pour Lewis, James reviendrait pour deux raisons. La première était d’avoir l’opportunité d’obtenir un contact dans les bas-fonds, et la deuxième à cause de sa blessure. Il le voyait difficilement aller dans une pharmacie à la surface pour apporter l’ordonnance que le jeune homme aux cheveux blancs lui avait rédigée. Surtout que les médicaments qu’il lui avait prescrits ne se trouvaient pas partout. S’il ne voulait pas éveiller les soupçons, il avait intérêt à aller à l’endroit que lui avait conseillé le médecin.

Avant de rentrer chez lui, Lewis se promena dans les rues de son quartier et aller faire un tour en particulier dans celle de Flower and Dean Street. S’il y avait bien un lieu où il ne fallait pas aller sans y avoir réfléchir à deux fois, c’était bien ici. Elle était connue pour être la rue la plus dangereuse et mal famé de toute la métropole, et les évènements récents ne faisaient pas mentir sa réputation. En effet, deux plus tôt, le corps qu’une femme mûre avait été retrouvé mutilé. Le jeune homme s’arrêta devant une porte qui portait le scellé de la police. Il se demandait si les hommes de lois reviendraient dans la journée pour encore explorer la scène de crime. Si c’était le cas, il ne valait mieux  ne pas pénétrer dans la maison pour ne pas détruire ce scellé et éveiller des soupçons. Il allait devoir attendre encore un peu avant de récupérer quelque chose qui se trouvait à l’intérieur. Il resta un instant à regarder la façade de l’immeuble pour voir s’il n’y avait pas d’autre moyen d’entrée. Mais cela semblait difficile, et puis avec le jour qui s’était maintenant levé, ce n’était pas très prudent de faire une telle chose. Finalement, il se résigna et rendra à la demeure familiale.

« Tu en as mis du temps, tu t’es perdu entre temps ? » Lança William, installé dans un des fauteuils du salon. Il était en train de lire le journal.

« J’ai fait un petit détour par Flower and Dean Street~. » Répondit-il en s’installant lui aussi dans le salon.

« Tu devrais être plus discret, Lewis. N’oublie pas ce que tu as faire. C’est dangereux de fréquenter cet inspecteur. »

« Ne t’en fais pas~. Ou se trouve Alexander ? Il est rentré ? »

« Pas encore, il devait s’occuper d’une livraison spéciale ce matin. »

« Déjà ? Je vois que les affaires marchent bien~. »

Le sourire aux lèvres, il salua poliment sa voisine, échangeant par la même occasion quelques mots de courtoisie avant de prendre congé et de rentrer chez lui. Il aimait bien discuter avec ses voisins, seulement il n'avait pas le temps de s'installer pour une tasse de thé. Il devait se dépêcher de rentrer pour se changer avant de devoir retourner au travail.

Lorsqu'il referma la porte de son appartement derrière lui, il sentit brusquement toute la fatigue s'abattre sur lui, sans mentionner la douleur qui l'assaillait. Il soupira, collant son dos contre la porte. S'il s'écoutait il se laisserait tomber au sol, mais James savait parfaitement qu'en faisant ça il ne pourrait pas se relever sans empirer la douleur. Il avait tenu suffisamment longtemps pour faire bonne figure, il pouvait enfin lâcher son sourire et serrer le haut de sa cuisse comme si ça allait calmer la sensation de brûlure. Il regrettait presque de ne pas avoir pris le médicament proposé par Lewis. Peut-être aurait-il moins souffert s'il lui avait fait confiance ?

Il prit appui contre le bois de la porte, poussant dessus pour se redresser. Il devait absolument prendre des anti-douleurs. Il ne tiendrait jamais devant ses collègues si la douleur persistait comme ça. Il avait beau être très fort pour cacher ses problèmes, il restait humain. Il pourrait tenir une heure, mais certainement pas une journée de travail, surtout qu'il n'avait pas la moindre idée du moment où il pourrait quitter les bureaux. Son boulot n'était pas de tout repos, ce n'était pas toujours évident à conjuguer avec une vie de famille. Heureusement pour James, ce n'était pas son problème principal, n'ayant jamais trouver quelqu'un avec qui l'envie de fonder une famille s'était faite ressentir. Peut-être était-il un peu trop accroché à son travail pour faire attention aux personnes autour de lui ?

Il ouvrit un tiroir dans la cuisine, pensant y avoir rangé les médicaments. Il fut bien déçu de ne trouver qu'une boîte d'allumettes et des papiers sans importances. Où avait-il bien pu les ranger ? Il ne lâcha pas l'affaire, se mettant en quête de la précieuse pilule en retournant les trois quart de sa modeste habitation. Heureusement qu'il n'y avait pas trente six mille cachettes, il finit donc par tomber sur la boîte de médicaments qu'il attrapa rapidement. Il retourna côté cuisine pour attraper le verre sur le bord de l'évier et le remplir. Il but d'un traite le liquide, faisant ainsi passer le médicament. Il espérait que les effets arriveraient assez vite et surtout qu'ils tiendraient assez pour éviter de devoir en prendre un peu trop.

Les deux mains posées de part et d'autre de l'évier, James prit le temps de calmer le tournis qui venait de le prendre. Il s'était un peu trop agité dans son état, il devait faire attention. Il poussa un long soupir avant de se diriger vers sa chambre. Il ne pouvait pas rester dans sa tenue actuelle. Il fit rapidement un brin de toilette dans la salle de bain avant d'enfiler des vêtements propres. Il n'eut même pas le coeur de jeter un coup d'oeil au miroir au dessus du lavabo, de peur de voir son visage pâle trahir son état. Il était persuadé que sa soeur verrait tout de suite qu'il n'allait pas bien. Il n'était pas certain que Nils serait aussi attentif, surtout vu comment il était remonté contre son aîné ces derniers jours.

Une fois prêt, James enfila son manteau. Il fit bien attention de ne pas mettre le même que celui qu'il portait cette nuit. Ce dernier avait sûrement rendu son dernier souffle vu les tâches et les trous. La bouteille brisée ne l'avait pas loupé. Heureusement que Violet avait prévu le coup et lui avait offert un nouveau manteau à son dernier anniversaire. L'enquêteur n'avait jamais été aussi ravi par un cadeau que à cet instant. Sa soeur était toujours très forte pour trouver l'objet ou le vêtement le plus utile, même si sur le coup ça semble de trop.

Face à la porte, il prit le temps d'inspirer longuement avant de plaquer à nouveau un sourire sur le bout de ses lèvres. Il devait se montrer sous son meilleur jour, chasser le moindre soupçon de ses collègues. Il pouvait le faire. Après tout, s'il laissait l'enquête prendre le dessus sur son esprit, il finirait peut-être par oublier la douleur.

Dehors, la vie continuait son cours, comme si rien ne s'était passé, comme si aucun meurtre avait eu lieu récemment. James apprécia l'air frais et le retour à la normal. Il ne risquait pas de se faire embarquer par des ivrognes dans une ruelle sombre parce que ceux-ci étaient trop imbibés pour comprendre que c'était un homme et non une demoiselle sans défense devant leur nez. Pourtant son esprit ne cessait de penser à ce qu'il avait vu ou entendu cette nuit. Les bas-fonds l'intriguaient de plus en plus. Il ne pourrait pas rester bien longtemps loin de ces quartiers, il finirait par y retourner, peut-être même bien avant d'être guéri.

Il chassa ses pensées parasites en arrivant devant la porte de l'immeuble où il travaillait. Jared était même là, devant lui, tenant la porte ouverte pour qu'il puisse entrer à son tour. James sourit un peu plus, essayant de ne pas repenser à l'homme qui l'avait prit pour une jeune femme, tandis qu'il passait le pas de la porte. Son supérieur allait-il voir derrière son masque ? Le jeune enquêteur était persuadé qu'il marchait normalement, mais peut-être avait-il fait un faux pas sans s'en rendre compte. Tout allait se jouer à l'instant.

- Bonjour Jared, tu es bien matinal, Lança James, agissant comme si tout allait bien. Avec un peu de chance, son chef serait encore trop fatigué pour faire attention à sa démarche.

Avachit dans le canapé, Lewis attendait et il commençait à trouver le temps long d’ailleurs. William lisant en silence son journal. Niveau conversation ce n’était pas le top pour s’occuper, et très vite il commença à s’ennuyer. Au bout d’interminables longues minutes, il soupira bruyamment dans l’espoir de provoquer une discussion. Mais son interlocuteur n’était pas très loquace à cette heure-ci. Sûrement lui en voulait-il encore pour le désordre qu’il avait provoqué dans son bar un peu plus tôt dans la soirée. Il ne pouvait pas lui en tenir rigueur après tout. Par sa faute, ils avaient dû nettoyer pendant une bonne heure tous les dégâts qui avaient été causé par cette bagarre, et le barman avait dû fermer son commerce un peu plus tôt pour calmer le jeu. D’ailleurs, que son frère lui interdît de mettre les pieds dans son bar pendant quelques jours en gage de punition ne l’étonnerait pas. Il ne l’aurait pas volé. Mais cela ne l’arrangerait guère. C’était pour l’instant le seul endroit où il pouvait espérer revoir l’inspecteur. S’il voulait le revoir, c’était un des lieux où il se rendrait. James savait qu’il était un habitué et qu’il avait même un lien de parenté avec le gérant. Lewis avait intentionnellement révélé cette information pour laisser une piste pour le contacter s’il le désirait. Comme il ne pourrait pas y être tous les soir, il comptait sur William pour jouer les messagers. Bon, si son frère avait décidé de bouder il se tairait peut-être sur la venue de l’inspecteur. En plus, il ne voyait pas d’un très bon œil que son cadet se rapproche de la police. Lewis savait bien que Vladimir serait du même avis que William, mais il avait réfléchi à des arguments pour les convaincre en quoi c’était une bonne idée.

De longues minutes passèrent encore avant qu’Alexander arrive enfin. Pendant ce temps, le jeune homme aux cheveux blancs s’était occupé en comptant les petits carreaux de mosaïque qui composait la rosace qui ornait le sol du salon. Dès qu’il entendit la porte de l’entrée claquer, il bondit de son fauteuil. A la façon de la fermer et des bruits de pas qui se résonnaient dans le couloir, il savait que c’était la personne qu’il attendait. Il se précipita donc vers lui. A cause de sa dure journée, le jeune homme était fatigué et pas de très bonne humeur, et d’avoir quelqu’un qui lui saute dessus dès son arrivée alors qu’il rêvait de son lit n’arrangeait pas les choses.

Un « quoi ! » retentit dans toute la demeure et en fit presque trembler les murs. William releva les yeux de son journal et tendit l’oreille vers le couloir. Visiblement, Alexander n’avait pas accueil la nouvelle de Lewis dans la joie. Une discussion animée se poursuivit dans l’escalier. Le jeune homme aux cheveux blancs ne lâchait pas le châtain qui n’avait qu’une envie : retrouver son lit. Malheureusement pour lui, son interlocuteur était plutôt tenace et ne lâcha pas l’affaire. Pour enfin rejoindre son lit, il dû capituler et accepter qu’un inspecteur mette les pieds dans son magasin. Non mais à quoi pensait-il, sérieusement ? Envoyer un policier dans un endroit pareil, c’était vraiment du suicide.
Ayant obtenu ce qu’il voulait, Lewis alla se coucher satisfait. Et il dormit comme un bébé.

Comme il le pensait, son frère lui interdit de venir pendant quelques jours dans son bar, le temps que les choses se tassent. Il n’avait envie d’une autre bagarre. Le jeune homme passa son temps à errer à d’autres occupations dans les rues les plus mal fréquentées pour glaner quelques informations et à aider Peter à son cabinet. Par deux fois il avait tenté de retourner sur les lieux du meurtre le plus récent, et c’est deux fois il avait dû y renoncer. L’endroit grouillait encore de policier, c’était bien trop risquer d’y aller.

Une fin d’après-midi, Vladimir entra dans la salle à manger où prenant tranquillement son repas, se trouvait Lewis.

« Combien de temps cela va-t-il encore durer ! » Vociféra le chef de famille en balançant le journal sous ses yeux.

Le jeune homme lu le gros titre qui indiquait que la police venait de trouver un nouveau corps mutilé.

La chance avait été de son côté, son supérieur et ses collègues n’avaient pas fait la moindre remarque sur son état. Tout le monde semblait avoir la tête dans la paperasse, sur les indices ou sur les maigres pistes qu’ils avaient. Le tueur continuait de courir dans les rues de la ville, les semant toujours un peu plus. James avait presque l’impression qu’il s’éloignait d’eux, arrivant à les percer à jour. Avait-il un complice bien placé qui lui permettait d’agir sans se faire repérer ? Avait-il trouvé une astuce pour éviter d’attirer les regards sur lui ? Beaucoup de questions tourmentaient un peu plus chaque jour son esprit.

Le pire était qu’un nouveau corps avait été découvert, alourdissant le terrible bilan des pertes. Les journaux en parlaient déjà, faisant ainsi grandir le sentiment d’insécurité des jeunes femmes et le mécontement des habitants. Que faisait la police ? Cette interrogation était sur les lèvres de beaucoup de personnes. James se souvenait même du regard assassin de la boulangère quand il l’avait croisé dans la rue. Pensait-elle vraiment qu’il se tournait les pouces ? Bien au contraire, il se tuait à la tâche, empirant un peu plus son état chaque jour. Son corps avait besoin de repos pour guérir, mais le jeune enquêteur ne pouvait pas se reposer sur ses lauriers, et la douleur était devenue si intense qu’il n’arrivait plus à fermer les yeux. Il passait son temps à boire du café pour se booster et tenir le rythme.

« James, tu es certain que tout va bien ? » L’interpellé ferma les yeux, refusant d’admettre la vérité à la jeune femme. « Que se passe-t-il ? Tu peux tout me dire, tu le sais, n’est-ce pas ? » Il hocha doucement la tête, attrapant la main de sa soeur entre ses doigts tandis qu’elle prenait place à ses côtés sur un banc du parc. Violet lui avait donné rendez-vous ici avant qu’elle ne retroune à l’opéra pour préparer sa prochaine représentation. « Ne t’en fais pas. Je suis juste épuisé par l’affaire en cours. » Il ne mentait pas en disant ça, il était réellement fatigué par la lenteur de leur progression dans cette série de meurtres. « J’aimerais vraiment qu’on progresse, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Bien évidement, tu me connais, je n'abandonnerai pas. » James ouvrit enfin les yeux pour croiser le regard de sa soeur et lui offrir un sourire. Il ne voulait pas l’inquiéter plus que nécessaire, même s’il savait qu’elle l’avait déjà percé à jour. Elle n’était pas dupe, elle le connaissait mieux que quiconque, même s’il avait passé plus de temps aux côtés de leur cadet. « Ne te tue pas à la tâche. Essaie d’aller voir à la pharmacie, ils auront peut-être quelque chose pour t’aider à tenir le coup. » Peut-être. James repensa à l’adresse que lui avait donné le médecin qu’il avait rencontré au bar la nuit où il avait été blessé. Devait-il y aller ? Ne risquait-il pas plus d’ennuis ? Un soupir manqua de franchir ses lèvres, mais le jeune homme réussit à le retenir à temps. Si sa soeur l’avait entendu, elle ne l’aurait pas lâché. Il prit donc soin de continuer à masquer sa douleur, enchaînant sur un sujet plus joyeux avant qu’elle ne doive filer à son travail. James l’imita, continuant de réfléchir à l’idée d’aller à la pharmacie.

Ce n’est qu’en début de soirée, lorsqu’il termina sa journée de boulot, qu’il se décida à aller jeter un coup d’oeil à la boutique. Il ne pensait pas la trouver ouverte à cette heure un peu tardive, pourtant en arrivant devant la vitrine, il fut surpris de la voir allumer. Il hésita un moment, se persuadant qu’il était bien trop risqué d’y entrer.

Prêt à rebrousser chemin, il se stoppa net lorsqu’une tête passa la porte et se tourna vers lui. « Vous comptez rester là devant la pharmacie encore longtemps ou vous allez entrer ? » James esquissa un léger sourire gêné, il s’était fait avoir en beauté. Il était prêt à présenter des excuses et à s’éloigner, mais encore une fois il fut trop lent. « Attendez, c’est l’ordonnance de Peter … Non, Lewis ! Allez, venez, ce serait plus simple à l’intérieur. » James se raidit, il avait simplement sorti le papier pour vérifier l'adresse. Le jeune homme en face de lui avait reconnu le document et lui confirmait qu'il connaissait le médecin. Était-ce vraiment surprenant ? Lewis ne l’aurait pas envoyé là s’il ne connaissait pas un minimum le pharmacien. Seulement maintenant qu’il était là, l’enquêteur n’eut pas la force de lutter et il passa la porte, suivant le jeune homme jusqu’au comptoir où il déposa son ordonnance.

Le silence régnait dans la boutique. James n’osa pas le briser, se contentant de déposer l’ordonnance sur la surface qui le séparait du pharmacien. Ce dernier s’empressa de récupérer le papier. Il jugea la feuille avant de poser son regard sur l’enquêteur. Quelque chose semblait le déranger. « Vous auriez dû venir plus tôt ! Vu votre visage, vous devez souffrir le martyr. Faites-moi voir votre blessure. » Un léger blanc passa. « Quoi ? Me dites pas que vous êtes gêné à l’idée de vous déshabiller un peu ! Vous êtes blessé où ? » James pointa sa cuisse et le pharmacien soupira. « Vous préférez l’arrière boutique ? Y a personne à cette heure-ci, vous êtes mon dernier client de la journée. » Drôle de façon de traiter un potentiel client, mais quelque chose laissait penser que le pharmacien avait un truc à faire après avoir fermé sa boutique. Il était étrangement pressé et ne laissait pas vraiment le choix à James que d’obéir. Il jeta un coup d’oeil en arrière et en effet personne ne passait dans le coin. Il accepta de défaire son pantalon, le baissant juste assez pour laisser voir le pansement qui couvrait la blessure. Le tissu était imbibé de rouge, signe que la blessure avait du mal à cicatriser. « Monsieur Green, dites-moi, vous vous entraînez à la course ou quoi ? Votre blessure ne guérit pas ! Même mes médicaments ne pourront pas faire de miracle, vous devez retourner voir le médecin. » James se raidit. Il n’était pas prêt à retourner voir Lewis. « Je vais récupérer ce qu’on vous a prescrit, après je ferme boutique et je vous emmène voir le médecin. Hors de question de vous laisser repartir comme ça. » L’enquêteur n’eut pas le temps de protester, le pharmacien était déjà parti dans l’arrière boutique récupérer les médicaments. James poussa un long soupir, se demandant déjà dans quelle galère il s’était fourré. Le jeune homme était tellement speed qu’il était incapable de lutter contre lui, il n’avait plus la force pour ça. Il se contenta de déboutonner son pantalon, grimaçant sous la douleur. Il avait besoin de quelque chose, il ne pourrait pas continuer à passer des nuits blanches, son corps ne tiendrait pas le rythme.

Lewis attrapa le journal en grimaçant et alla directement à l’article sur le nouvel homicide. On avait retrouvé encore le corps d’une femme mutilée dans la rue. Cette fois-ci à Hanbury Street. La gorge avait été tranché à un point que la victime avait été presque décapitée. Elle aussi avait été éventré et ses intestins posés sur son épaule droite. Le journaliste allait très loin dans les détails, parlant des organes reproducteurs manquants. Toutefois, pour le jeune homme au cheveux blanc, cette barbarie n’était là que pour masquer les vrais détails importants. Personne n’avait dû remarquer les petites marques à son cou ou qu’il n’y avait étrangement peu de sang pour un tel crime.

Si c’était comme le premier cadavre, l’eau sale du caniveau s’était mélangée à l’hémoglobine, trompant ainsi le premier venu. Cela avait été une chance que Lewis se trouve dans les parages et puisse voir le corps avant que les policiers n’interviennent. Il avait pu ainsi ramasser un petit bout de papier, qui avait l’air pourtant si anodin, mais sur lequel était imprimé les armoiries de la famille Petrovitch. Sans réfléchir, il l’avait ramassé et avait filé droit chez lui. Au début, il avait eu peur qu’un membre de sa famille soit impliqué dans un crime aussi sale. Ce n’était vraiment pas comme ça qu’ils avaient été élevés. Leurs parents leur avaient inculqué des valeurs et de la classe ! C’est pour cela qu’il avait été soulagé d’apprendre qu’aucun membre de sa fratrie en était responsable. Mais ils étaient tous arrivés à la même conclusion, si ce n’étaient pas eux, cela voulait dire qu’on essayait de leur faire passer un message et qu’on avait l’air de leur en vouloir. Ce n’était pas la première fois qu’on les attaquait comme ça. Quand on trempait dans le proxénétisme, la drogue, le chantage, ce n’était pas rare de s’attirer les foudres des autres. Mais la question était de savoir, lequel des Petrovitch avait offensé quelqu’un au point de faire ça ? A moins que ce ne soit toute la famille entière.

« Encore une prostituée… » marmonna-t-il en parcourant l’article des yeux.

« Ça n’a pas de sens ? Pourquoi une vulgaire pute qui fait deux trois passes dans une ruelles sombre ? », vociféra Vladimir qui commençait à perdre patience, « Tu avais dit que tu réglerais ça au plus vite, je n’ai pas le temps de gérer ces conneries », ajouta-t-il en tapant du poing sur la table.

« Oh ça va, M le Président du conseil de Carrington. T’es pas le seul à bosser ici je te rappelle. Tu penses que je me tourne les pouces toute la journée ? Si tu mettais un peu plus le nez dehors, tu verrais à quel point ces rues c’est la jungle ! Ça serait plus facile de retrouver une aiguille dans une botte de foin. Ce type ou ces types sont malins. »

« Lewis baisse d’un ton », s’énerva un peu plus Vladimir.

« Sinon quoi ? Tu vas me frapper ? Tu penses qu’un mou du genou comme toi me fait peur ? », répliqua le jeune homme avec un lueur de défi dans les yeux. Il était confiant dans ses aptitudes physiques et savait qu’un combat, il était le plus fort de la famille. Il pouvait merci aux années de bagarres dans les rues.

« Bon, bon, ça suffit maintenant, puisse que vous êtes tous les deux des hommes très occupés, retournez à vos occupations. Lewis, tu n’as pas quelque chose à aller récupérer ? »

L’intéressé détourna son regard pour le fixer vers Peter qui venait de prendre la parole. S’il y avait bien quelqu’un qu’il écouté, c’était bien le médecin. Exaspéré par les reproches de son aîné, Lewis partit sans ajouter un mot et en claquant la porte derrière lui. Maintenant qu’il y avait un nouveau cadavre dans les rues, le précédant lieu du crime allait être déserté par les policiers.

« Tu sais qu’il fait son possible et que ce n’est pas de la mauvaise volonté. »

« Je sais oui », répondit Vladimir en serrant les dents, « mais les filles commencent à être inquiètent. Ashley aussi. Elle redoute qu’une de ses filles soient prises pour cible. »

« On trouvera le responsable, ne t’en fait pas. », ajouta Peter qui avait une foi aveuglée en Lewis. Il attrapa sa redingote et se rendit à son cabinet. Une nouvelle journée de travail commençait.

« En route, Monsieur Green ! » S’exclama le jeune homme en fermant la porte de sa boutique. James ne put pas vraiment lutter contre cet ordre, la fatigue et la douleur lui donnaient juste envie que tout s’arrête. Le pharmacien avait raison, il devait consulter. Seulement il ne pouvait pas aller chez son médecin, celui-ci risquerait de poser un peu trop de questions. L’enquêteur n’avait pas besoin que son entourage apprenne son escapade dans les bas fonds de la ville, les nouvelles pouvaient aller vite. Dans son cas les gens avaient tendance à parler dans son dos, inquiets pour sa santé puisqu’il se lançait corps et âme dans une enquête, levant très rarement le pied. D’un autre côté, l’idée de retourner auprès du médecin qui lui avait prescrit cette ordonnance ne le tentait pas plus. James ne se sentait pas prêt à affronter l’homme, il ne s’était pas préparé à ça, sa couverture risquait de tomber rapidement s’il ne faisait pas attention.

Les premières minutes de route furent terriblement silencieuses. James ne disait pas un mot, suivant simplement son guide. Ce dernier était comme absorbé par ses pensées, réfléchissait-il à ce qu’il devait faire après ? Il avait l’air nerveux, perturbé par quelque chose qui échappait à James. Il était évident que le pharmacien n’avait pas prévu de devoir accompagner son dernier client jusqu’au cabinet du médecin alors ses plans du soir devaient être soudainement chamboulés par ça. « Je comprends vraiment pas pourquoi vous êtes dans cet état. J’veux dire, c’est pourtant pas compliqué de prendre soin de soi ! » James tourna le regard vers le jeune homme qui lui adressait la parole. Il avait des traits vraiment très juvéniles, ou était-ce la lumière des lampadaires qui lui jouait des tours ? « Vous allez pas me dire que votre métier vous prend tout votre temps quand même ! C’est une excuse pourrie. Personne n’est trop occupé pour prendre soin de soi ! » L’enquêteur haussa vaguement les épaules. Il aimerait bien dire qu’il n’avait jamais entendu un tel discours, mais il mentirait. Sa famille et ses amis le lui sortaient très régulièrement. James n’avait jamais fait attention à sa santé, pensant que tant qu’il pouvait bouger tout irait bien.

« Euh… Ça vous arrive de parler ? » Cette question décrocha un léger sourire à l’enquêteur. Depuis le début il n’avait pas prononcé le moindre mot, souvent coupé par le pharmacien qui ne lui laissait pas la moindre chance de s’exprimer. « Je suis navré, je ne voulais pas vous vexer en restant silencieux. » Il se garda de faire une réflexion sur la rapidité du jeune homme à enchaîner ses phrases, ce serait un coup à l’agacer plus qu’il ne semblait l’être déjà. « J’suis pas vexé ! Je- … Je sais pas. C’est juste pénible de marcher sans rien dire, alors, voilà, quoi ! De toute façon, on arrive bientôt. » James le vit hausser les épaules, comme pour dire “tant pis, continuons en silence”. Heureusement le cabinet n’était plus qu’à quelques pas et moins de deux minutes ils arrivèrent devant la porte.

Sans attendre, ils entrèrent à l’intérieur. « Attendez-moi là ! » James observa une chaise dans un coin de l’entrée et s’y installa, laissant le pharmacien passer une autre porte. Il pouvait fuir, c’était sa chance. Pourtant, il prit son mal en patience, attendant qu’on lui fasse signe de venir. Il était venu jusqu’ici, ce n’était pas pour repartir maintenant. De toute façon, aurait-il vraiment la force de rentrer jusqu’à chez lui ? La douleur à sa cuisse devenait de plus en plus et il sentait son pantalon noir devenir de plus en plus poisseux avec le sang qui ne cessait de s’échapper de sa blessure. Il n’était vraiment pas en état de faire comme si de rien n’était, il était mal en point.

De son côté le pharmacien se dépêcha de trouver le médecin. Lorsqu’il tomba sur lui, il s’approcha, ignorant vivement le patient qui était là aussi. Il n’avait pas de temps à perdre avec la politesse, il avait d’autres chats à fouetter. « Peter, je t’ai amené le nouveau jouet de Lewis. Tu sais, “Jack Green”. Bref, il est sur la chaise dans l’entrée. » Il se pencha légèrement pour n’être entendu que par le médecin. « J’ai bien failli craquer, il empeste, tu vas voir c’est moche. »

Enervé, Lewis était parti sans réfléchir de la demeure familiale. Il ne voulait pas voir le visage de Vladimir pendant un petit moment. Mais pour qui le prenait-il ? C’était toujours à lui qu’on donnait les tâches les plus ingrates, tout ça parce que l’aîné de la fratrie trouvait qu’il se la coulait douce. Et puis quoi encore ? Il travaillait toujours ! S’il venait au bar de William, il aurait la preuve que lui aussi n’avait pas un boulot de tout repos. Tout ce qui devait lui remonter aux oreilles devait être les complaintes du barman quand il provoquait un peu trop un des soulards qui faisaient pilier de bar. D’accord, ça lui arrivait de déraper de temps en temps, mais pourquoi était-il toujours sur son dos ? Luca en foutait de fois moins que lui et en plus c’était lui qui avait le plus merdé ! Mais non, Vladimir préférait être sur son dos parce qu’il le trouvait un peu trop belliqueux…

Sentant la colère monter en lui, il donna un grand coup de pied devant une des rares poubelles présentes dans la rue, déversant ainsi les détritus sur la chaussée. La rue était déjà une décharge, alors un déchet en plus ou en moins, cela ne ferait aucune différence. Le jeune homme continua sa marche jusqu’à se calmer. Il devait s’apaiser et retrouver son sang froid avant d’entrer par effraction sur le précédent lieu du crime, sinon, c’était un coup à faire une erreur.

Une fois calme, Lewis arriva devant la vieille demeure où les scellés de la police avaient été enlevé comme il le pensait. Ce crime, bien que barbare, n’avait pas été annoncé dans la presse comme étant l’œuvre de l’éventreur. Toutefois, Lewis, et sûrement les enquêteurs, savait qu’il s’agissait de la même personne. Mais comme la victime n’avait pas été retrouvé dans la rue, ils n’avaient pas voulu affoler la population plus qu’elle ne l’était. Imaginez un peu que la populace sache que ce tueur sanguinaire pouvait s’introduire chez vous, dans un lieu où on se sentait normalement en sécurité. Il valait mieux garder ça sous silence.
Lewis s’introduit avec l’agilité d’un chat par une fenêtre laissée entrouverte. La pièce était baignée par la pénombre mais cela n’était pas un souci pour lui, il pouvait parfaitement voir dans le noir. Il passa au peigne fin les lieux jusqu’à trouver enfin ce qu’il cherchait : le même morceau de papier avec les armoiries de sa famille. Mais à la différence des deux précédents, celui-ci contenait simple un message : Tic tac. La plume était d’une élégance rare presque parfaite mais le message n’avait pour Lewis aucun sens.

« C’est quoi cette connerie, on se fout de notre gueule ou quoi ? », exaspéré par ce mot, le jeune homme rangea le morceau de papier dans sa poche et sortie ni vu ni connu du petit appartement insalubre.

- - -

« Jack Green? Ah oui, le fameux, Lewis m’en a parlé il y a quelque jour. Dis-lui que je suis à lui dans une minute, merci. Ah et au fait, Alexander, la prochaine fois que tu rentres comme ça dans mon cabinet alors que je suis avec un patient, tu auras affaire à moi, pour cette fois ça passe, on va mettre ça sous le coup des efforts que tu fais pour te retenir. », répondit Peter, sur un ton calme mais menaçant. Il n’aimait pas qu’on fasse irruption comme ça dans son cabinet, il aurait très bien pu être avec un client important et puis il tenait à la vie privée de ses patients. Il allait perdre leur confiance si des gens se permettait d’entrer comme dans un moulin !

Le médecin s’excusa de l’impolitesse du pharmacien une fois ce dernier sorti et finit son examen. Il ne se pressa pas plus que cela, laissant poireauter le nouveau jouet de Lewis dans la salle d’attente. Quand son patient fut sorti du cabinet, il prit soin de nettoyer convenablement ses instruments et d’apposer sous ses narines un baume à base de menthe poivré de sa composition. Il avait souvent recours à ça pour ne pas être incommodé par l’odeur de sang. C’était une bonne chose qu’Alexander lui en ai parlé.

« Monsieur, merci d’avoir patienté », lança Peter en entrant dans la salle d’attente. D’un signe, il invita James d’entre dans le cabinet.

« Installez-vous. Alexander m’a parlé d’une vilaine plaie, c’est bien ça. Pouvez-vous me la monter, Monsieur ? », ajouta Peter en faisant mine de ne pas connaître le nom de son nouveau patient. Il ne voulait pas que l’inspecteur pense que Lewis avait parlé de lui à la terre entière.

Alexander se mordit la lèvre. Il avait l’impression que cette histoire n’allait jamais se finir. Il avait pourtant des affaires à régler pour le compte de William. « Oui, oui, bien sûr. » Fit-il, comme s’il se fichait de la remarque du médecin. Il n’était pourtant pas dur de voir qu’il était toujours aussi nerveux, se grattant même l’avant bras alors qu’il ne ressentait pas la moindre démangeaison à ce niveau-là. « La prochaine fois, laissez-moi en dehors de cette histoire. Merci. » Sur ces mots, le pharmacien laissa Peter et le patient tranquilles. Il était pressé de partir, de s’éloigner d’ici et de reprendre ses activités.

Dans le hall, il tomba sur l’enquêteur. Il le regarda un instant, sans un mot. James se demanda même ce qu’il lui voulait. « Il va vous recevoir dans quelques minutes. » Le ton était plus sec. Si l’enquêteur n’était pas un peu assommé par la douleur, il aurait sûrement rapidement noté la pointe de nervosité qu’Alexander essayait de cacher. « Si vous voulez vous barrer, faites-le. J’vous laisse. » Le jeune homme leva la main comme pour souligner à quel point il n’en avait rien à faire. Pourtant il était toujours là, devant lui, à le fixer. Ça en devenait presque gênant à force. N’avait-il pas mieux à faire comme il le sous-entendait depuis le début ? « Ah oui, voilà les médicaments. Gardez-les. Vous paierez tout ça directement à Peter ! » Sur ces mots le pharmacien laissa tomber le petit sac sur les cuisses de James avant de sortir du cabinet.

Peter ? James pensait tomber sur Lewis en venant ici. Peut-être n’était-il pas de garde ce soir ? Était-ce sa chance de rencontrer un autre membre de la famille et d’en découvrir un peu plus sur eux ? Il espérait vraiment que le pharmacien ne s’était pas trompé, il semblait un peu ailleurs sur la fin. Quelque chose le tracassait, mais James ne s’en préoccupait pas. Il ferma simplement les yeux, serrant le sac en papier entre ses doigts. Il en avait marre de souffrir. Comment n’avait-il pas vu que sa blessure avait empiré ?

Lorsque la porte s’ouvrit à nouveau, ce fut pour laisser le client précédent partir. James ouvrit les yeux, juste le temps de le voir disparaître. Il n’avait pas fait attention à quelle genre de personnes c’était. Dommage. Il n’était pas vraiment assez vif pour mener l’enquête. Il n’arriverait à rien ce soir, pas étonnant que l’enquête stagnait autant avec un boulet comme lui dans l’équipe. Il avait honte d’avoir autant négligé sa santé.

Il faillit laisser un soupir franchir ses lèvres pile au moment où Peter fit son entrée. « Merci à vous de me recevoir comme ça. » Souffla James en réponse tandis qu’il se redressait. Il peina un peu à se remettre sur pied, manquant de faire tomber le sac de médicaments, mais il retrouva assez vite son équilibre. Il entra à son tour dans le cabinet pour s’installer là où le médecin le lui indiquait.

L’enquêteur tiqua au prénom que mentionna Peter. Alexander. Était-ce le pharmacien qui l’avait conduit jusqu’ici ? Il ne voyait pas vraiment qui aurait pu parler de sa blessure, en dehors du barman et de Lewis. Il nota l’information -qui sait, ça pourrait peut-être lui servir un jour- avant de se concentrer sur la demande du médecin. « En effet, j’ai été blessé à la cuisse. » Il se garda de raconter comment c’était arrivé, préférant déboutonner son pantalon et le baisser. La plaie était cachée par un pansement, mais l’état de ce dernier laissait aisément voir que la blessure ne guérissait pas normalement. « Oh, faites-moi penser à payer les médicaments avant de partir. Le pharmacien m’a dit de vous laisser l’argent. » Il était là pour parler de la douleur et pourtant le voilà en train de passer à un autre sujet comme si de rien n’était. Il n’était pas le genre à partir sans payer, mais là, c’était clairement une technique pour éviter le sujet qui fâche. Il n’avait vraiment pas envie de voir à quel point il avait été négligeant en ne prenant pas soin de son corps.

Alexander l’avait prévenu et même s’il avait pris ses précautions, l’odeur de sang était assez forte. C’était un mélange de sang séché et de frais, mais pas seulement, il y avait une pointe de putréfaction. La blessure non seulement ne cicatrisait pas, mais en plus elle commençait à s’infecter. Rien qu’avec ça, le médecin savait que cela n’allait pas être joli à voir. Maintenant, il comprenait un peu l’empresse du pharmacien. Il avait toujours été du genre rapide, mais les efforts qu’il avait dû faire pour surmonter n’avait pas arrangé ça. C’était normal de vouloir finir au plus, mais tout de même, il aurait pu se montrer plus poli !

Peter laissa l’inspecteur s’installe sans qu’il ne lui donne son nom, par conséquence, sur le carnet qu’il tenait en guise de fichier médical, il inscrivit « Monsieur X » avec une rapide description de son patient et de la date et l’heure de sa venue.

« Ce garçon me prend un plus pour son coursier », soupira Peter, «et il pense en plus que je connais le prix de ses médicaments. Il vous a fourni quoi ? S’il est assez intelligent il a dû étiqueter ses produits. », ajouta Peter en remontant ses lunettes du coup de son index, « Enfin, nous verrons l’histoire des médicaments plus tard, regardons plutôt votre blessure. »

Le médecin, après s’être lavé les mains, s’approcha de la cuisse de son patient et retira délicatement le pansement. Ce dernier n’avait pas l’air d’avoir été changé récemment et il avait peur que le bandage se soit collé à la chair à vif. Peter examina avec précautions la plaie sous toutes les coutures en silence.

« Avez-vous déjà entendu parler de la gangrène ? », dit-il en relevant la tête pour regarder James dans les yeux et il laissa planer le silence encore quelques minutes pour l’effrayer.

« Vous n’en êtes pas passé très loin. Un ou deux jours de plus et vous aurez été bon pour une opération. Ce n’est vraiment pas raisonnable d’attendre que votre blessure s’empire pour venir la traître. Vous savez qu’on peut mourir à cause d’une infection ? », ajouta-t-il d’une voix calme et posé pour lui faire la morale.

« Je vais devoir la nettoyer, tenez, serrez ça entre vos dents, ça risque de ne pas être agréable, » dit-il en lui tenant un morceau de bois pour qu’il morde dedans, « Vous aurez le droit aussi à quelques points de suture puisse que votre plaie n’a pas l’air de vouloir se refermer, vous avez peut-être dû forcer dessus ? »

Peter se tourna pour prendre une bouteille d’alcool, et quand son patient eu mordu dans le bout de bois, il aspergea généreusement la plaie à vif. Il sait que le jeune souffrait, mais c’était un mal pour un bien. Puis, il essuya l’excédent et quand la blessure fut parfaitement nettoyée, il brûla une aiguille pour la stériliser avant de commencer à le recoudre.

« Vous devrez revenir me voir dans quelques jours pour que je vous enlève les fils. Prenez bien les médicaments qu’Alexander vous à fourni, c’est pour une bonne raison. Certainement des anti-douleurs. Vous devrez également changer le pansement et nettoyer votre plaie tous les jours si vous voulez garder votre jambe. »

Pour être honnête, James n’avait aucune idée de ce qu’il y avait dans le petit sachet qu’il tenait entre ses doigts. Il n’avait pas vraiment pris le temps de détailler l’ordonnance ou d’y penser. Il s’était persuadé que s’il se concentrait sur son travail, la douleur finirait éventuellement par partir. Grossière erreur. Il avait empiré son état et ses proches commençaient à comprendre que quelque chose n’allait pas. Il s’était tiré une balle dans le pied tout seul en faisant comme si de rien n’était. Il savait qu’un jour ça le tuerait.

Sa tentative de détourner le sujet fut un échec. Il ne s’attendait pas vraiment à pouvoir repartir comme si de rien n’était, il n’était pas bête à ce point, surtout qu’il n’avait pas vraiment conscience de ses tentatives de fuir le sujet. Il agissait naturellement, ayant pris l’habitude d’oublier ses problèmes pour faire passer ceux des autres avant les siens. Il devait apprendre à lâcher prise et à prendre soin de lui. Il pouvait même se demander s’il n’avait peut-être pas trop donné, il fallait voir comment son frère le repoussait ces dernières années, comme s’il étouffait de l’attention que son aîné lui donnait.

James ne disait pas grand chose, il était aussi muet que lorsqu’Alexander était à ses côtés. Pourtant le médecin semblait être bien plus doux, plus calme, tout en gardant une certaine fermeté. Quelque chose disait à l’enquêteur que dans une autre vie il aurait pu s’entendre avec cet homme, bien mieux qu’avec Lewis. Bien sûr, il refusait de laisser ses doutes disparaître. S’ils étaient frères, Peter connaissait peut-être les secrets de Lewis. « Malheureusement, oui. » Souffla-t-il enfin lorsque le médecin mentionnant la possibilité de mourir d’une infection. Il savait que la vie était très courte, il voyait bien trop de cadavres dans sa vie, pourtant ça ne lui donnait pas de coup de fouet pour faire plus attention à la sienne.

« Je marche beaucoup, je ne suis pas le genre à pouvoir rester tranquillement chez soi. » Il ne mentait pas en disant ça, James était vraiment incapable de se tenir tranquille, surtout s’il avait une mission en tête. Il ne s'appesantit pas plus sur le sujet, mordant dans le morceau de bois que lui avait donné le médecin. Il savait que la suite n’allait pas être une partie de plaisir, seulement il n’avait pas le choix. Il devait guérir pour espérer reprendre son enquête et éviter de finir six pieds sous terre.

Fermant les yeux au contact de l’alcool, James serra fortement entre ses doigts ce qu’il avait à sa portée. Il avait l’habitude des douleurs vives, intenses. On lui avait déjà retiré une balle dans le bras lorsqu’une mission avait mal tourné et qu’il avait pris des risques inconsidérables. Jared lui avait fait promettre de ne jamais recommencer de telles prouesses, même si grâce à son imprudence ils avaient pu attraper le suspect, mais ça n’avait pas arrêtait le jeune enquêteur. Il n’était pas prêt d’apprendre de ses erreurs.

Lorsque la douleur se fit plus supportable, James se détendit, lâchant le bout de bois qu’il posa à côté de lui. Peter terminait de le recoudre, lui expliquant la démarche à suivre pour éviter que son état n’empire à nouveau. « Je vous remercie. » Cette fois il allait faire un effort. Peut-être devrait-il avouer à quelqu’un qu’il n’était pas bien ? S’il avait un de ses proches sur le dos ça l’obligerait à faire plus attention. Seulement s’il osait mettre l’un dans la confidence, il savait que le secret allait être répété à tout le monde pour assurer une vraie surveillance. Personne ne pouvait avoir confiance en lui pour ce genre de choses, et ils avaient bien raison.

Une fois la plaie recousue et de nouveau couverte par un bandage, James en profita pour se rhabiller. Il se sentait un peu mieux, même si la douleur était toujours là. Il allait devoir prendre un anti-douleur rapidement. « Je vous dois combien pour la consultation ? » Demanda-t-il simplement, gardant une relation strictement professionnelle. Il pourrait en profiter pour l’interroger, mais il préférait se préparer et voir ça la prochaine fois quand il viendrait pour faire retirer ses fils. « Pour les médicaments, je peux repasser à la pharmacie payer directement là-bas si ça peut vous faciliter la tâche. » Il n’avait pas envie de l’embêter avec ça, même si Alexander avait dit que Peter prendrait l’argent. James n’avait pas vraiment envie de retourner voir le pharmacien, pourtant une part de lui se disait qu’une fois en meilleure forme il pourrait peut-être arriver à soutirer des informations au jeune homme. Il semblait bien plus facile à faire craquer que le médecin qu’il avait sous ses yeux. Peter était bien plus mature, plus réfléchi, ce serait dur de l’avoir.

Une fois son travail finit sur la cuisse de son patient, Peter prit bien soin de tout nettoyer et de passer même de l’alcool sur le morceau de bois qu’il lui avait donné pour mordre. Même s’il en changeait régulièrement et alternait avec du cuir, le bout de bois était passé dans plusieurs bouche avant de se retrouver dans celle de James. Il le laissa dans un bocal remplit d’alcool pour être sûr de tuer tous les germes.

« 5£. C’est pour la consultation du soir et les bandages que je vais vous donner en plus », répondit Peter après avoir jugé que l’inspecteur pouvait se permettre un tel tarif. Malgré sa blessure, il était bien propre sur lui et portait des vêtements de bonnes qualités. Surtout son manteau qu’il était un excellent ouvrage. Le médecin avait tendance à varier ses tarifs à la tête de ses clients. Et plus ils semblaient être riches et surtout avoir quelque chose à cacher et plus il gonflait ses tarifs. Lewis en faisait de même. Ils s’étaient tous les deux mis d’accord sur une grille tarifaire bien détaillée avec divers critères comme le caractère louche de la visite ou même si le client avait été agréable. Mais cette grille ne s’appliquait qu’à un type particulier de patient. Ceux du quartier avaient le droit à un tout autre traitement et généralement c’était Lewis qui les recevait dans le petit local du bar de William.

« Pour les anti-douleurs, il a dû vous donner ceux de base. », dit-il en se disant que c’était certainement son frère qui avait indiqué quoi prendre, et le connaissant il avait dû prescrire de l’écores de saule.

« Cela doit être 10 penny par sachet. Il faut multiplié par le nombre qu’il vous a donné. Et si c’était plus cher, tant pis pour lui, ça lui apprendra à laisser partir les gens sans qu’il ait payé. », dit-il avec un petit sourire sournois.

Il retourna à son bureau pour inscrire sur son cahier les détails de l’occultation. A chaque fois il notait tout pour avoir l’historique du patient mais pas seulement. Comme Lewis le remplaçait parfois, cela permettait de savoir aux deux frères ce qu’il en était et les traitements qui avait déjà donné.

« Même si vous avez l’habitude de marcher, je vous conseille de rester tranquille les prochains jours. Et si possible vous aider d’une canne pour vos déplacements. Ce n’est pas parce que votre plaie a été recousu qu’il faut gambader partout. Revenez me voir dans quatre ou cinq jours pour que je vous enlève vos fils. Par contre, si l’intensité de la douleur ne diminue pas, n’hésitait pas et revenez me voir tout de suite. »

Peter se leva et se dirigera vers la porte de son cabinet.

« Si vous n’avez pas d’autre question, je vous libère. », dit-il avec un sourire aimable.

L’enquêteur hocha doucement la tête, fouillant déjà dans la poche de son manteau pour trouver son portefeuille. Il n’avait pas de problème d’argent, ne dépensant finalement peu sa paie. Il n’avait pas vraiment de loisirs coûteux et ses proches lui faisaient assez de cadeaux pour son anniversaire et diverses occasions pour qu’il ne cherche pas à acheter de son côté. Il vivait de façon assez simple, même s’il passait bien trop de temps sur son travail.

James était en train de compter les sachets laissés par le pharmacien lorsque le médecin lui préconisa de se tenir tranquille les prochains jours. Il savait que c’était pour éviter de finir à nouveau dans un état déplorable et de risquer de perdre sa jambe, mais se connaissant, l’inspecteur allait avoir énormément de mal à se tenir à carreaux. Il ne pensait même pas avoir une canne à disposition, du moins pas avant de penser à celle que son père lui avait légué à sa mort. Il avait dû la laisser dans un coin de l’entrée et à force de la voir tous les jours il avait fini par en oublier l’existence. « Je ferai attention. » Dit-il en déposant l’argent sur le bureau de Peter. Il avait arrondi à l’unité supérieure, comme pour remercier le médecin de l’avoir pris en charge comme ça.

« Pas d’autre question. Je vous souhaite donc une excellente soirée. » James ponctua ses paroles d’un léger sourire, réajustant son manteau avant de récupérer le sachet du pharmacien et de quitter le cabinet. Il avait bien de nombreuses questions au sujet des deux frères médecins, mais il ne pensait pas que c’était le bon moment pour en discuter. Il allait revenir dans quelques jours pour faire retirer les fils, il pourrait en profiter pour grappiller quelques informations supplémentaires à ce moment-là. En attendant il devait faire attention à sa blessure et prendre le temps de réfléchir à comment il allait aborder quelques questions à la prochaine rencontre avec Peter, ou Lewis. Quelque chose lui disait qu’il allait recroiser un jour cet homme.

La nuit était bien avancée maintenant. James avait perdu assez de temps avec cette histoire, il devait absolument rentrer se reposer. Sur le chemin de son appartement, il fut surpris de tomber sur son supérieur. « James, rassure-moi, tu n’es pas sorti enquêter encore. » Si on pouvait sentir une pointe de reproche au fond de sa voix, l’enquêteur savait que Jared était surtout inquiet de son état. Ce dernier le connaissait assez pour savoir qu’il se tuait à la tâche simplement parce qu’il ne supportait pas de voir de pauvres jeunes filles perdre la vie parce qu’ils étaient incapables d’arrêter le tueur. « Pas cette fois. » Souffla James. « Est-ce que ça te dit d’aller boire un verre ? » Son chef ferma les yeux, réprimant un soupir. « Qu’est-ce que tu as fait encore ? » Un léger rire répondit à cette question avant que le plus âgé n’invite son subordonné chez lui. Ils seraient plus tranquilles pour discuter que dans un bar où certaines oreilles indiscrètes pourraient les surprendre.

Une fois l’inspecteur sortit, Peter ferma la porte de son cabinet et soupira de soulagement. Dans quoi Lewis cherchait-il à s’embarquer ? Il savait que Vladimir lui mettait la pression ces derniers temps pour débusquer ce meurtrier sanguinaire qui mettait le désordre dans leur quartier, mais ce n’était peut-être pas une raison pour jouer avec le feu. Fréquenter un policier, ça apportait toujours des problèmes. Ils étaient toujours à fourrer leur nez partout, là où il ne fallait pas. Et la famille Petrovitch avait bien trop de secret pour qu’on vienne fouiner. Après avoir soupiré une dernière fois, le médecin rangea et nettoya son cabinet avec de rentrer chez lui.

Arrivé au manoir familial, il fût surpris de découvrir toute la famille réunie autour de la table dans la salle à manger. L’aîné, au bout de la table, semblait être de mauvaise humeur plus qu’à son habitude. Luca, le deuxième de la fratrie semblait s’ennuyer fermement à attendre que cette réunion de famille ne veuille bien commencer. William, comme à son habitude, était droit comme un i et attentait patiemment qu’on lui dise pourquoi ils avaient été réunis. Lewis, quant à lui, était avachi sur sa chaise, nonchalamment, comme toujours, mais il semblait un peu plus tendu que d’ordinaire. Puis, il y avait les jumeaux, encore trop immatures pour comprendre ce qui se passait et qui avaient décidé de jouer avec un couteau pour tuer le temps. Leur petit jeu consistait à planter le couteau dans la table et le plus vite possible en évitant la main de l’autre. Ce petit jeu commençait visiblement à taper sur les nerfs de Vladimir. Il n’y avait que les Petrovitch rassemblés. Alexander et Harold étaient absent certainement parce que le chef de famille avait joué qui ne fallait pas les inquiéter avec ça.

« Peter, nous t’attendons. », lança Vladimir en l’invitant, dans geste de la main, à s’asseoir avec eux.

« Lewis est allé fouiller les lieux du deuxième crime et il a pu trouver ceci. », continua-t-il en balançant le morceau de papier.

« Tic Tac ? », lu William en prenant la feuille, « Et encore avec nos armoiries. »

« Le tueur veut clairement nous faire passer un message. Soit il essaye de nous faire accuser, soit c’est un compte à rebours avant qu’il ne s’en prenne directement à nous. », ajouta Lewis.

« Si c’est bien le cas, je maintiens ma position, et j’estime qu’Alexander et Harnold devraient être présent. Si on s’en prend à nous, ils sont peut-être en danger. »

« Oui, mais plus tard, je vous ai réuni pour savoir lequel a merdé autant pour quelqu’un fasse ça. », lança Vladimir d’un ton calme mais tellement glacial que les jumeaux avaient arrêté leur petit jeu.

« C’est pas moi, tu me séquestre depuis des années. C’est pas en restant ici que j’ai dû contrarié quelqu’un. Non, si ça devait être l’un d’entre nous, je parie sur Lewis. »

« Pourquoi moi ? », crachat le jeune homme.

« Parce que tu es un petit fouteur de merde. »

« Tu peux parler ! En matière de merde, je ne t’arrive pas à la cheville. », s’énerva Lewis. Il était hors de lui.

« Il n’a rien fait récemment, à part une bagarre dans mon bar. », tempéra William qui voyait déjà une scène arriver. Mais heureusement, Vladimir mis fin très rapidement à ça.

« Ce n’est pas pour que vous vous tapez dessus que je vous ai réuni, mais pour que vous réfléchissez bien tous à ce que vous avez fait récemment. Ça peut-être n’importe quoi, même quelque chose qui vous paraît inoffensif ou anodin, et surtout venant de n’importe qui. »

« N’importe qui, même toi ? », interrogea Peter. Tous les autres avaient pensé la même chose sans oser formuler la question.

« Oui, même moi. Je suis dans les affaires. J’ai pu ruiner quelqu’un qui m’en veut à mort. Pour l’instant, on sait juste que c’est contre notre famille qu’on en a. Il ne faut écarter aucune piste. Lewis, tu m’aideras à éplucher mes dossiers. Peter, passes-en revu tout tes clients. William, avec Alexander vous vous pencherez sur vos comptes. Luca, tu iras voir Ashley pour voir quel client banni pourrait vouloir se venger. »

« Tu m’autorises à sortir ? », lança Luca les yeux pleins d’étoiles.

« Oui mais tiens toi tranquille et tu n’iras nulle part sans Ashley. Tu assureras sa protection par la même occasion. »

« Et nouuuus ? », demandèrent d’une seule voix Thomas et Timothy.

« Vous, vous restez à la maison. »

Arrivé chez son supérieur, James se débarrassa de sa redingote pour l’accrocher au porte-manteaux présent dans l’entrée. Jared l’invita à faire comme chez lui, habitué à leurs petites soirées ensemble. Ce n’était pas très régulier, ils se côtoyaient tellement au travail qu’en général après ils rentraient se reposer, sauf quand le plus jeune partait enquêter seul de son côté. « Je dois te faire boire pour espérer te faire parler ? » Demanda son chef en sortant deux verres et une bouteille du buffet. James déposa le sachet de médicament sur la table, prenant place dans un des fauteuils. Il ne savait pas vraiment par où commencer dans son récit, ni quelle partie il devait confier. S’il devait y aller prudemment à cause de sa blessure, Jared devait savoir ce qui se passait pour ne pas s’étonner si James arrivait avec une canne. Il avait pu se cacher jusqu’ici, seulement là ce serait trop flagrant.

« Merci », Souffla-t-il en récupérant le verre que lui tendait son hôte. Il le regarda prendre place sur le second fauteuil, avant de prendre une gorgée de sa boisson. Parler de ses soucis lui semblait tellement compliqué, pourtant ce n’était pas bien dur. « Je sors de chez le médecin. » Il s’était abstenu de dire “son” médecin pour ne pas mettre la puce à l’oreille de son supérieur. « Tu es souffrant ? » La question de Jared le fit sourire, la pointe d’inquiétude était toujours présente. Parfois, James se demandait s’il ne pouvait pas le considérer comme son ami le plus proche, c’était souvent à lui qu’il se confiait. « Oui, je me suis retrouvé pris entre deux feux. » Il poussa un léger soupir, repensant à cette soirée qui avait tourné au vinaigre en quelques minutes à cause de l’ivrogne et du médecin. « J’ai été blessé à la cuisse. Le médecin exige que je sois prudent et que je prenne une canne pour ne pas forcer. C’est pas grand chose, mais je tenais à t’en informer. » Comme toujours, James minimisait les choses et Jared semblait tiraillé entre deux sentiments. Devait-il se contenter de cette version des faits ou devait-il le pousser à en dire plus. Le plus jeune espérait qu’il ne le questionnerait pas plus, il n’avait pas envie de s’étendre sur le pourquoi du comment.

« Je vois. » Jared but une gorgée de son verre avant de reprendre la parole. « Si ça peut t’éviter de cavaler partout pour enquêter au lieu de te reposer, ce n’est pas une si mauvaise chose. » James esquissa un sourire amusé, soulagé que son chef ne l’embête pas plus que ça. Il devait penser que si ça avait été vraiment grave, le plus jeune lui aurait confié ses problèmes. Il n’aimait pas mentir à ses proches, mais finalement il n’était plus à ça prêt. Il passait tellement de temps à cacher ses sorties secrètes pour enquêter de son côté, qu’un mensonge de plus ne le tuerait pas. En plus, il n’avait pas vraiment menti, il avait juste omis quelques parties de l’histoire. « Tu me connais, si ça ne tenait qu’à moi je serais encore dehors pour chercher ce tueur. J’aimerais tellement pouvoir l’attraper avant qu’il ne fasse une autre victime. » Jared resta muet, approuvant les paroles d’un simple hochement de tête. Il comprenait cette envie, il la partageait, malheureusement avec le peu d’indices qu’ils avaient ça paraissait impossible.

Pour la suite de la soirée, les deux changèrent de sujet, essayant de partir sur une note plus joyeuse. Le temps passa rapidement et James finit par se dire qu’il était temps de rentrer chez lui. « Tu es sûr de vouloir rentrer ? » Le plus jeune regarda son ami, l’air de dire que tout irait bien. « Je ne ressemble pas vraiment aux victimes du tueur. » Il avait beau dire ça, il repensa encore une fois à l’ivrogne qui l’avait pris pour une jeune femme. Il doutait que le meurtrier ferait une erreur aussi grossière, et pourtant l’espace d’un instant, James se demanda s’il ne pouvait pas servir d’appât. « Tu es blessé et le médecin t’a ordonné de te reposer, non ? Alors reste. » Hésitant un instant, James finit par céder. Personne ne l’attendait chez lui, il avait ses médicaments et les bandages avec lui, il ne risquait rien. Il gagnerait même quelques minutes de repos et Jared serait soulagé de le savoir chez lui en sécurité. Même si son chef ne disait rien, le plus jeune sentait bien qu’il était inquiet et qu’il allait le surveiller pour s’assurer qu’il se remette bien de sa blessure.

Vladimir ne les retient pas plus longtemps que cela. Tout avait été dit et il était inutile de les garder plus longtemps. Surtout que certains avaient la concentration d’un chien devant un écureuil. Il fallait faire simple et au plus vite avec eux, sinon ça risquait de rentrer par une oreille et de ressortir par l’autre et toute la réunion aurait été vaine. Parfois, ses frères le fatiguaient. Heureusement qu’il y avait William et Peter qui étaient raisonnables et sur qui il pouvait compter pour mater un peu les autres. Ce n’était pas de tout repos d’être l’aîné, et ça arrivait de temps en temps que Vladimir veuille tout plaquer et partir loin de tout. Mais il se sentait trop responsable envers, alors dès qu’il avait un petit coup de mou, comme ça, il se tournait vers Ashley, son amie de longue date. D’ailleurs, passer la voir ce soir ne lui ferait pas de mal.

William s'empressa de retrouver Alexander pour le mettre au courant. Il voulait d'abord lui en parler pour qu'ils décident tous les deux de ce qu'ils devront dire à Harold. Il était encore très jeune, et il ne voulait pas le faire paniquer.

« Lewis », interpella Peter alors que tout le monde partait de son côté.

« Oui ? »

« Ton inspecteur est venu au cabinet. »

« Oh ? Vraiment. », un large sourire se dessina sur ses lèvres, « Alors il est enfin venu. »

« Oui, et ce n’était vraiment pas beau à voir. Je m’attendais mieux de ta part. »

« Comment ça ? »

« La plaie ne cicatrice pas et il avait une sévère infection. »

« Eh ! J’ai fait ce qu’il fallait faire et dans les règles de l’art. ça s’est passé y’a plusieurs jours. Il a tardé à venir, ce n’est pas ma faute s’il est irresponsable ! »

« Mouais, disons que c’est ça, » taquina un peu Peter.

« Il a parlé de moi ? »
« Absolument pas, c’est comme si tu n’existais pas. »

« C’est cruel ça ! Je suis pourtant quelqu’un d’exceptionnel qu’on n’oublie pas », rit-il.

« Oui, tellement exceptionnel que son cerveau a dû t’effacer tellement c’était insupportable d’être face à tant de perfection. Il va revenir dans quelques jours pour que je lui enlève sa suture. »

« Parfait ! Je vais venir squatter ton cabinet alors, d’ici un ou deux jours pour le revoir. »

« Lewis, tu es sûr de toi ? Un inspecteur, ça peut être dangereux. »

« Ça ne l’ai pas plus que partir à la chasse au tueur sanguinaire qui en veut à notre famille. Toute potentielle aide sera la bienvenue. Si jamais la police tient une piste que nous n’avons pas, je veux la connaître et savoir ce qu’ils ont comme éléments. »

« Tu marques un point, je te l’accorde, mais fais attention. »

« Toujours, oui. Bon, je te laisse, j’ai une montagne de dossier à éplucher, j’ai tellement hâte ! », dit-il ironiquement avant de prendre congé. Même si se plonger dans la paperasse ne l’enchantait guère, il restait de bonne humeur avec cette nouvelle. Encore quelques jours à patienter pour espérer le revoir et le prendre au piège.