[Les Chroniques de Lazthiom] [T] Livre 0 - La légende de Jûlians

Sans détour, Jûlians se rendit dans son bureau pour s'occuper des dernières choses qu'il avait à faire avant d'envoyer définitivement Gisèle en ville. Son bureau était plutôt atypique. Il ressemblait à un mélange d'atelier d’apothicaire et de bibliothèque. Parmi les nombreux livres et pile de papier se trouvait une diversité de flacons en verre ainsi qu'une panoplie du parfait petit chimiste. Des bottes d'herbes étaient accrochées au plafond dans le fond de la pièce. Les volets étaient tiré et laissait peu la lumière du jour illuminer la pièce. La véritable source de lumière, ici, était les bougies allumées sur les différents chandeliers. Malgré tout les choses qui étaient accumulées, le bureau était étrangement ordonné. L'endroit était surchargé, mais rangé et sans la moindre particule de poussière.

Installé à son bureau, le jeune homme poussa quelques croquis qu'il avait laissé traîné pour faire un peu de place. Puis, avec une aiguille qu'il avait passé dans la flamme d'une bougie pour la désinfecter, il se piqua l'index de sa main droite. Très vite, quelques gouttes de sang perlèrent. Il en versa un peu à l'intérieur d'un petit flacon qui contenait déjà un liquide dans les tons jaunâtre. Une fois l'opération fini, il reboucha la flacon et le secoua avant de se sucer le doigt qui saignait légèrement. Maintenant que cela était fait, il attrapa une de ses plumes d'oie trempée dans de l'encre et une feuille avant de commencer à écrire dessus. Il voulait obtenir une réponse, et tant qu'on ne lui donnerais pas, il garderait cet étrange flacon de verre avec lui.

« Mon lord. », dit Joe en entrant dans son bureau qui amenait Keith.

« Ah, bien. », dit-il en relevant les yeux de sa feuille. « Le timing est parfait. »

Jûlians posa sa plume et plia le morceau de papier en quatre avant de le glisser dans une enveloppe. Pour la fermer, il la scella à l'aide d'un sceau de cire rouge.

« Donne ça à Gisèle. Qu'elle l'apporte au maire. », ajouta-t-il en se levant et en tant la lettre à son majordome avant de s'adresser enfin à son hôte.

« Et maintenant, allons faire une petite visite guidée. Je vous direz ce que vous avez le droit de faire et d'aller . Suivez-moi. »

Keith soupira silencieusement. I ne se ferait jamais au fait qu'un homme n'arrête pas de lui donner des ordres. Keith était un homme à femmes, et seules celle-ci pouvaient lui demander des choses à droite et gauche sans jamais le fatiguer. Oh, et Griselda également. Mais cette vieille femme était un cas spécial.

Maintenant il avait le droit à une visite guidée. Connaissant la tailel du château, celle-ci serait bien longue et il s'ennuyait déjà. Il voulait juste savoir ce qu'il avait à faire pour pouvoir survivre le plus longtemps. Assez de temps pour pouvoir ainsi trouver comment s'échapper. Il n'avait pas besoin de voir toutes les galeries d'art et grandes salles de réception qui n'avaient pas l'air d'accueillir grand monde, vu comment le vampire vivait en autarcie.

Cependant, il doutait également que le vampire lui montre tout le bâtiment. Après tout, il était son prisonnier. Beaucoup de portes restèrent fermées et n'étaient indiquées que par de sommaires noms communs. En effet il en avait rien à faire. La cuisine lui fut également épargnée. On ne voulait pas qu'il puisse trouver l'endroit si jamais il était affamé alors qu'il était privé de repas.

"Depuis combien de temps vivez-vous ici ?" demanda Keith alors qu'il regardait un des grands portraits peints qui ornaient le mur du couloir qu'ils traversaient.

Le château était grand. C'était une vieille demeure qui appartenait à la famille de Jûlians depuis des générations. Ce n'était qu'une résidence secondaire où la famille, qui comptait beaucoup de membres, se réunissait pour fêter certaines occasions ou tout simplement venir passer des moments de détente. Cette bâtisse n'avait jamais appartenu à quelqu'un en particulier. Les relations entre les différents membres avaient toujours été bonnes et ils s'étaient toujours mis d'accord sur son utilisation. D'accord, les différentes branches de la famille, si c n'était pas pour dire clan, avaient participé à sa construction. Au fil des années, le château avait subi plusieurs agrandissements. Dans les différentes pièces, qui venaient accroître sa superficie, on pouvait distinguer, en étant un fin observateur, les dates de construction discrètement gravées sur un pavé, une poutre ou encore un mur. Autrefois, c'était un lieu chaleur et plein de vie, mais aujourd'hui, on était bien éloigné de tout cela. Maintenant, ce château appartenait à Jûlians. De toute sa famille, c'était le seul à y vivre à présent. Avec la Grande Purge qui avait sévi un peu partout, il ignorait si des membres de sa famille était encore vivant, et par conséquence, en étant le seul survivant, il lui revenait de droit. L'endroit était sombre et paraissait trop grand en l'absence d'animation. L'aile nord, qui comportait essentiellement des chambres et des cabinets de toilette, était à présent fermé et presque condamné. Avec la situation actuelle, Jûlians ne pouvait plus entretenir comme il l'aurait voulu sa maison familiale. Les moyens financiers manquaient, de plus, personne n'oserait venir ici faire des travaux. Beaucoup de pièces, qui regorgeaient de souvenirs du passé, n'étaient plus accessible. Plus personne n'y allait, pas même le maître des lieux car il ne voulait pas se remémorait des moments qui risquaient de le faire souffrir. Par conséquence, en plus des pièces où il interdisait l'accès pour diverses raison, la visite se fit rapidement. L'homme aux cheveux blancs ne comptait pas laisser beaucoup de liberté à son nouvel hôte, tant qu'il ne lui ferait pas confiance. Il avait défendu l'accès à certaines pièces uniquement pour laisser planer un peu de mystère. En effet, certaines étaient complètement vides et ne présentaient tout simplement aucun intérêt à s'y rendre. Les seuls véritables endroits où il refusait toute présence vivante n'étaient autre que sa propre chambre, son cabinet de travail annexé à son bureau et sa serre avec son jardin intérieur. C'était personnel et là où il pouvait se laisser aller. Il ne voulait pas qu'on le dérange.

La visite touchait à sa fin. Ils traversaient à présent le long couloir, orné de divers portraits de famille ou autres tableaux, qui menait à la bibliothèque, le dernier endroit qu'il voulait lui faire voir. A sa question, il s'arrêta, surpris par celle là, et se retourna vers son interlocuteur pour lui faire face.

« Très longtemps. Je ne pourrais pas donner un chiffre exact, j'ai perdu la notion du temps. On va dire que cela fait plusieurs vies d'homme que je vis ici. Le château a toujours appartenu à ma famille. »

Depuis longtemps... Keith en comparaison devait avoir l'air un jeune nourisson pour lui. C'était normal qu'il le traite comme s'il venait à peine de savoir marcher. Cependant il n'aimait pas ça. La vieillesse de cet homme lui avait fait perdre l'once d'humanité qu'il avait dû avoir un jour. Il ne devait plus savoir comment se comporter comme un être humain. Que disait-il ? Il ne devait juste pas savoir se comporter modestement. Simplement.

Plus il visitait les lieux et moins il comprenait ce désir de réclusion. Etre seul dans une si grande maison vide lui donnait envie de sortir et de respirer de l'air frais. Il y avait énormément de choses ici mais cela ne valait pas la valeur de dehors.

La bibliothèque l'enchanta. Tant par son âge et pas sa taille. Keith espéra qu'elle regorge de merveilles. Il doutait cependant qu'il y ait quelque chose de ces dernières années.

"Vous avez des partitions ici ?" Peut-être qu'il y aurait des perles ici.

Sa bibliothèque était une de ses fiertés. Enfermé ici à cause du contexte, ses distractions étaient limitées. Ce lieu regorgeait de trésors. Au fil des années, ses ancêtres avaient accumulé un certain nombre de documents en tout genre. Certains étaient devenus rares, d'autres uniques. Il avait en sa possession des livres qu'on pensait perdus depuis longtemps. Ici, les ouvrages avaient été protégé de toutes les catastrophes qui pouvaient être responsables de leur destruction. De plus, le maître des lieux prenait grand soin de surveiller l'humidité de la pièce, la température et l'exposition au soleil pour leur assurer la meilleure conservation possible.

« Des partitions ? », dit-il étonné. Pour lui, ce n'était pas une demande banale dans une bibliothèque personnel. Julians réfléchit un instant. Il y avait des partitions dans le petit cabinet de musique où se trouvait son piano. A présent, il y jouait seulement de temps en temps et toujours les mêmes choses, mais il savait qu'il y en avait d'autres ici. Le tout c'était de se rappeler où exactement. Après une longue minute de silence et de réflexion, il donna enfin sa réponse.

« Suis moi. », dit-il avait de prendre l'escalier qui se trouvait dans la bibliothèque. Il avança dans les allées pour se rentrer au fond.

« Tout est là. Enfin, sauf ce qu'il y a dans le cabinet de musique. »

Keith suivit en silence le maître des lieux, contemplant autour de lui pour lire ici et là des titres de livres. Des fois il ne comprenait pas le titre puisque c'était une autre langue, d'autres n'avaient juste pas de sens pour lui. Avec ces livres, il avait l'impression que tout ce qui faisait le monde était à portée de main, des yeux et de la compréhension mais qu'il lui falalit plusieurs années afin d'en voir qu'un soupçon.

Ils montèrent un escalier et se retrouvèrent sur un petit balcon.

"Un cabinet de musique ?" répéta doucement Keith. Ses yeux pétillèrent. C'est vrai que le vampire ne savait pas pour ses qualités de chanteur et donc de son affection pour la musique. "Je... ne peux pas voir ça ?" osa-t-il demander. Il détourna le regard pour les accrocher sur les livres sur les étagères. S'il était trop intrusif, il n'avait pas envie de sentir le regard énervé de son bourreau. Il attrapa un des cahier dont il reconnu le nom. Griselda en avait un pareil dans sa collection. Il n'y avait que peu de copies à cause de son ancienneté. Dedans, il y avait beaucoup de titres qui les avaient inspirés.

Jûlians ne savait plus depuis combien de temps il n’était pas venu dans ce coin. Petit, il passait souvent du temps ici avec son père pour choisir la prochaine partition qu’ils travailleraient ensemble. C’était lui qui lui avait appris et donné le goût de la musique. Malheureusement, avec les événements tragiques que le jeune homme avait traversé, il lui était parfois douloureux de monter ici et avait délaissé son piano peu à peu pour ne venir en jouer que lorsqu’il était mélancolique. C’était pour cette raison qu’il n’était pas venu renouvelé son catalogue de partition et se contenté de celles présentes dans le cabinet de musique. Maintenant qu’il était présent, c’était peut-être l’occasion d’apprendre quelque chose de nouveau. Les yeux rivés vers les étagères, il avança doucement en faisait glissé son doigt sur la poussière. Cet endroit avait tellement peu vu d’âme vivante ces derniers temps qu’on pouvait voir la trace de son doigt laissé dans l’épaisse couche de poussière. Peut-être devrait-il dire à Joe de venir faire un peu plus le ménage ici.

« Voir mon cabinet de musique ? », dit-il un peu étonné en se tournant vers lui après avoir choisi une partition. C’était rare que les gens qu’il avait pu fréquenter s’intéresse à cela. Enfin, il ne devrait peut-être pas être si surpris que cela. Après tout, Keith lui avait demandé s’il possédait des partitions en entrant dans la bibliothèque. C’était une suite logique.

« Le voir seulement oui, mais à une condition. Que vous me disiez pourquoi vous vous intéressiez tant à la musique. »

Le maître des lieux voulait bien lui faire visiter cette pièce, pas qu’il l’utilise. Elle se situait dans la partie dont il n’acceptait pas de présence.

L'ambiance qui se ressentait dans cette pièce n'était pas accueillante. Elle n'était pas non plus repoussante mais Keith comprenait bien que c'était une partie du château qui n'était pas souvent visitée. Quelle erreur. De plus cet endroit devait receler des gemmes insoupçonnées.

Il lut silencieusement ce qu'il avait dans les mains, appréciant les sonorités anciennes que son esprit créait. Sa voix s’accommodait à tout néanmoins, il faudrait arranger un petit peu pour que cela s'accorde avec leur temps. Plus les chansons étaient vieilles, et plus tout ce travail d'adaptation prenait du temps. Les populations des petites cités aimaient simplement la mode du jour, certains reculées aimaient encore les vieux morceaux. Mais la haute adorait les fluctuations et c'étaient eux qui demandaient le plus de travail d'adaptation.

"Pourquoi..." Il cligna des yeux, soudainement un peu surpris. On ne lui avait jamais posé cette question tant cela lui semblait naturel. "Je chante..." se contenta-t-il de répondre en refermant le livre qu'il avait entre ses mains et le reposant sur l'étagère.